Le Désert de Retz

temple au dieu Pan

 

Un peu d'onomastique


Montjoie
Joyenval
Le nom de Retz
une forêt royale

 
 

 

Montjoie
 

Histoire et légende se mélangent. Clovis a résidé, vers le début du 6ème siècle, dans la forteresse de Montjoie, sur la butte, à quelques centaines de mètres au sud-est de la porte de Joyenval. Il n'en reste plus qu'une vague altération circulaire du relief du sommet, et quelques soubassements au fond d'une excavation abrupte, qui me semble plus due aux fouilles du TCF des années 50 qu'à la conservation de l'état ancien.

Le plus qu'illustre cri de guerre de la royauté "Montjoye!", devenu "Montjoye! Saint-Denis!", qui pendant au moins la moitié de notre histoire galvanisa les troupes, prendrait son origine dans ce Montjoie, pour célébrer la victoire de Clovis, qui y défit une armée barbare, consolidant ainsi sa légitimité de roi des Francs.

Rien n'est moins sur. Un montjoie, en latin mons jovis, est une butte où s'était tenu le culte de Jupiter (ou d'un dieu païen principal). Notre Montjoie en est une. Mais le pays en était couvert. Et surtout dans le cri de "Montjoye!", il s'agit de de la bannière ainsi nommée, gardée par les moines de Saint-Denis adoptée comme étendard sacré et protecteur. C'était au départ l'étendard de la région de Gisors (le Vexin français) qui par un cheminement un peu obscur est devenu celui des Capétiens. Il référerait plutôt à la reconnaissance d'une identité commune à la confluence des origines celtes, gallo-romaines et franques, face aux normands.
J'écris Montjoye! à l'ancienne pour le cri de guerre et Montjoie pour la butte, orthographe actuelle.


La légende des fleurs de lys y trouve sa source : un saint ermite vivait dans le vallon en contrebas. La reine Clotilde ayant vu en songe des fleurs de lys remplacer sur l'écu de son époux les crapauds qui y figuraient, elle consulta l'ermite, qui la persuada d'en convaincre Clovis. Ainsi celui-ci les prit-il pour blason.

La fleur de lys est fréquente dans la région parisienne, berceau de la dynastie. Les Francs l'ont adoptée car ils se voulaient le nouveau peuple élu et reprenaient ce symbole aux hébreux (il en est de même pour le manteau cosmique, manteau bleu nuit piqué d'étoiles d'or porté par le roi). Les Capétiens donneront un rôle central à ces deux symboles: fleurs de lys sur les armes du royaume, manteau cosmique porté lors du sacre, à Reims. Sur le fond, l'adoption des fleurs de lys pourrait venir de leur similitude avec les organes masculins dressés, symbole de domination ... explication psychanalytique à prendre avec précaution.


Joyenval et le château de Roye
 

La tradition, enjolivée, voudrait que Clotilde se soit retirée prés de l'ermitage.

Ce qui est certain, c'est que Barthélémy de Roye (gentilhomme au service de Philippe Auguste) fonda en 1221 une abbaye dans le vallon de Joyenval.

Joye-en-val c'est le Val de Joye, en contrebas du Mont de Joye ou Montjoie. Littéralement, Joyenval veut donc dire le vallon de Jupiter.
 

Richement dotée, l'abbaye prospéra, abritant les reliques de Sainte Clotilde et la nécropole des Roye. Pendant la guerre de cent ans, l'anglais la ruina deux fois, en même temps que la forteresse de Montjoie. Reconstruite, elle aura autorité sur le fonds jusqu'à la Révolution, bien que déclinante et réduite en prieuré. M. de Monville eut encore à obtenir des autorisations du prieur de Joyenval pour certains travaux.

Le hameau créé dans la mouvance de l'abbaye fut doté d'une chapelle dédiée à Saint-Jacques et Saint Christophe; le nom fut raccourci en Saint-Jacques de Roye. Les restes de la chapelle sont l'une des fabriques du Désert.

La porte de Joyenval
porte de Joyenval


Du château des Roye, détruit, reconstruit, devenu château de Retz et enfin tombé en ruine et arasé par les rois pour dégager leur territoire de chasse, je n'ai reconnu que la marque au sol de l'emprise des fossés.


Pourquoi le nom de Retz ?
 

Le nom de Saint-Jacques de Roye a évolué vers Saint-Jacques de Retz, comme le château de Roye devint le château de Retz.
En effet "roye" se prononçait "roué" à la façon de Normandie, en usage à la cour : Louis XIV prononçait "le roué c'est moué". Saint Jacques de "Roué" s'écrivit Saint Jacques de Rais puis Saint Jacques de Retz.

L'orthographe était peu fixée jusqu'au 19ème siècle et relativement phonétique. On trouve un glissement identique pour Gilles de Rais : l'usage a fixé l'orthographe de son nom à Rais, tandis que celle de son fief devenait "pays de Retz" (en Loire Atlantique). Ce qui permettait aux habitants actuels de la région de ne pas souffrir directement du poids de la mémoire des terribles exactions commises par Gilles de Rais ... jusqu'à ce que le sinistre personnage historique soit appelé ces dernières années à la rescousse de l'animation touristique. Je ressens cette mise en scène comme une atteinte au respect des petites victimes.


Une forêt royale
 

Si l'abbaye a le vallon, la forêt est royale. C'est d'abord la forêt de Cruye, propriété de Pépin le Bref. Elle passe pour plusieurs siècles à l'abbaye de Saint-Denis puis revient aux rois, comme territoire de chasse, si commode à proximité de leurs résidences de Saint-Germain, puis Versailles et Marly. Louis XIII, chasseur passionné, s'y livrait à son déduit. Louis XIV l'intégra au domaine royal et lui donna son nom actuel de forêt de Marly.

Un jour d'août 1781 , Marie-Antoinette y suivait la chasse. Un peu par hasard, elle demanda à se reposer au Désert. Charmée par le lieu et son hôte, M. de Monville, elle y reviendra à dessein.

Par continuité régalienne, il restait de cette destination les chasses présidentielles dans la partie est, au Trou-d'Enfer. Elles ont été supprimées en 1995.


Le Désert a emprunté son nom au village sur les ruines duquel il fut édifié. Douze siècles d'histoire relient son nom à Montjoie, distant de quelques centaines de mètres ...


Pour repérer ces lieux
 

Voir dans Google Earth l'emplacement de la Porte de Joyenval Gogle Earth et celui des ruines de Montjoie Gogle Earth (nécessite d'avoir installé ce programme)


 


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droits réservés de l'auteur, Dominique Césari (texte et illustrations)
Dernière mise à jour: Mardi 23 mars 1999