Parcs à fabriques majeurs

temple au dieu Pan

 

Le Désert de Retz


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Historique
 

Le Désert de Retz, créé entre 1774 et 1789 par Monsieur de Monville, fut l'un des sites les plus fameux de son temps.
Dans un vallon somme toute banal, il mêla des pavillons d'agrément ou "fabriques" aux essences rares pour atteindre l'absolu de grâce de cette époque.  Les grands de ce monde s'y rendirent; il est difficile d'imaginer aujourd'hui la renommée de ce jardin et le sentiment de perfection qu'il inspirait.

  voir le plan général du domaine et de ses abords.
voir le Désert dans  Google Earth (nécessite d'avoir installé ce programme)
 

La création.

François Nicolas Henri Racine de Monville, né en 1734, est un modèle de l'homme de goût du 18ème siècle.   D'une famille de fermiers généraux, riche, beau et même athlète, il joue de la harpe avec Glück ou abat à l'arc un faisan en vol au cours d'un défi mondain. C'est un cavalier de tout premier ordre, un danseur envié, un joueur de flûte inspiré. Il est passionné de botanique et d'horticulture, ne rendant pas artificielle sa première charge de Grand Maître des Eaux et Forêts de Normandie.
Son hôtel de la rue d'Anjou, abattu au 19ème siècle pour percer le boulevard Malesherbes, était d'un luxe inouï - il comportait même le chauffage central !

Le Désert est pour lui un délassement à la campagne. En 1774 il acquiert 13 hectares avec le village de Saint-Jacques de Roye (ou de Retz) et son église, le tout en ruine. Il en fait un lieu d'enchantement. Le temple au dieu Pan est édifié le premier, suivi du pavillon chinois, qui dés 1776 rend le lieu habitable. Sauf sous la contrainte, M. de Monville ne s'en détachera plus.

La pyramide glacière
pyramide glacière en 2000

Petit à petit le domaine est agrandi et atteindra 40 hectares en 1792. Des essences rares sont plantées, un jardin d'herbes, des vallons, un étang et l'Ile du bonheur forment un décor exquis. Un potager, des serres le complètent.

Racine de Monville a dessiné lui-même les esquisses des fabriques et le plan des jardins (1). Il engagea un jeune architecte, François Barbier, pour passer à l'exécution. Ce dernier soutint (sans doute à juste titre) avoir créé la pyramide glacière et demanda en justice la révision de ses gages. Ces revendications indisposèrent M. de Monville, qui le chassa et le remplaça par un simple dessinateur.

En 1785, 17 fabriques sont érigées. Le pavillon chinois, la colonne détruite sont habitables. Avec le temple au dieu Pan et la pyramide glacière, ce sont les silhouettes les plus connues.

L'ensemble a été conçu avec le plus grand soin, pour ménager l'harmonie du végétal et du construit, les effets de perspective, les découvertes. D'un lieu, on ne voit en principe qu'une fabrique. Le visiteur a ainsi l'impression de révélations successives et l'espace paraît beaucoup plus vaste qu'il n'est réellement. J'ai lu dans certains ouvrages que pour renforcer cette impression d'espace, M. de Monville avait eu recours au saut de loup ou ha-ha (2)pour séparer le Désert du prieuré de Joyenval. N'en voyant pas trace dans le plan de 1785, malgré sa précision, je mets en doute l'existence d'un tel dispositif, sauf référence contraire. Ce n'est que de la colonne détruite, à condition d'y pénétrer et de monter aux étages, qu'on peut embrasser une partie plus considérable du domaine.

A l'est, le jardin anglo-chinois est la partie la plus aimable et raffinée, avec les pavillons et les temples, les arbres précieux et le théâtre découvert. A l'ouest la partie agricole comprend la métairie et la laiterie, des bosquets plus rustiques, et, à l'écart, l'obélisque, l'ermitage et le tombeau.

Le roi Gustave III de Suède, Marie-Antoinette, la comtesse du Barry, mais aussi Benjamin Franklin et Thomas Jefferson furent accueillis au domaine. Les anonymes pouvaient le visiter, en achetant un billet.


Le déclin.

Emprisonné sous la Terreur, M. de Monville n'échappe à la guillotine que par la chute de Robespierre (3); il meurt en 1797, ruiné par le changement de régime et l'entretien de maîtresses.

A la Révolution Monville avait du céder dans les pires conditions tous ses biens. Le Désert alla à un Anglais, Disney Ffytche, puis fut saisi. Il ne retrouvera jamais ses fastes. Le mobilier et les essences rares en pot sont dispersés.

Pendant des décennies il reste en l'état. La famille Passy l'acquiert en 1856 et le garde presque un siècle; un de ses membres replante mélèzes, érables, séquoias. Mais le Désert s'enfonce peu à peu, faute de moyens pour l'entretenir, même si Colette en fait son "Paradis terrestre" et si les surréalistes l'apprécient. Il est vendu en 1936, après une tentative d'élevage de poules pondeuses pour le rentabiliser. L'effondrement est proche. Bien que classé monument historique en 1941, il n'est pas entretenu par le nouveau propriétaire, maître du château de Joyenval, qui voyait avant tout dans son achat une extension foncière. Les essences rares ont dépéri et n'ont pas été remplacées, les fabriques s'écroulent. Le Désert à l'abandon est saccagé.

En 1965, la moitié des fabriques ne sont plus qu'un amas de débris, les autres sont en ruine, les plantations sont fantomatiques. Malraux prendra cet exemple pour plaider la nécessité d'une loi en faveur du patrimoine.

Le Désert de Retz avec les divers bâtiments disséminés dans le parc a été classé monument historique par décret du 9 avril 1941. Il avait été inscrit à l'inventaire par arrêté du 2 août 1939. Le site est classé par arrêté du 4 juillet 1983.


La restauration du site.

En 1973 la sauvegarde des fabriques subsistantes est entreprise sur réquisition de la Caisse nationale des monuments historiques. En 1981 la banque Worms se retrouve nantie du site, gage de créances qu'elle a reprises. Elle le rétrocède à la société civile du Désert de Retz, qui s'engage à le restaurer.
La zone agricole, à l'ouest, dont les fabriques ont été éradiquées, est toutefois consacrée au golf.

Prés de la moitié des fabriques ont totalement disparu. De plusieurs autres, il ne reste que peu de chose. Celles qui ont pu être sauvées sont petit à petit restaurées.


Subsistent au moins en
partie (numéros rouges):

1 - colonne détruite
2 - rocher-grotte
(porte de la forêt)
3 - temple au dieu Pan
4 - église gothique ruinée
5 - pavillon chinois
6 - laiterie
14 - pyramide glacière
16 - communs
17 - théâtre découvert
Ainsi que :
18 - temple du repos
19 - petit autel
presque ruiné

plan du Désert avec ses fabriques

Ont totalement disparu
(numéros bleus) :

7 - métairie arrangée
8 - ermitage
9 - orangerie
10 - île du bonheur
(avec la tente tartare)
11 - serres chaudes
12 - chaumière
13 - tombeau
15 - obélisque

Nota :
1) quelques constructions parasites existantes sont en noir (au dessus de la métairie, à côté des communs)
2) j'ai une incertitude sur l'emplacement précis du temple du repos (n° 18)
3) les mares se sont comblées, leur forme a considérablement évolué
4) je n'ai pas fait figurer les arbres remarquables


Plusieurs arbres autochtones remarquables âgés de 250 à 450 ans, antérieurs à la création du domaine, subsistent également.


17 fabriques, 19 ou plus ?

Il est d'usage d'indiquer un total de 17 fabriques, car le plan de 1785 "dressé par M. de Monville" en établit la liste à ce nombre - je reprends leur numérotation de 1 à 17 dans l'ordre de ce plan (dans la page, illustration avec les gravures de Le Rouge).

S'y ajoutent le Temple du repos (18) et le Ppetit autel presque ruiné" (19). Le "Pont pittoresque", qui reliait la plate-forme de la colonne détruite au jardin et le "treillage en architecture arrangée" auraient pu entrer dans la liste, portant à 21 leur nombre total. Dans le cahier n°13 de son ouvrage, Le Rouge présente ces quatre dernières fabriques en sus des autres, ainsi que le plan de 1785. Mais ces quatre là ne sont pas dénombrées dans le plan, alors qu'elles existaient déjà en 1785. En sens inverse les communs ont un numéro dans le plan, alors qu'ils ne sont pas représentés dans les garvures de Le Rouge. Trop ancillaires ? toutefois Le Rouge ne nous livre pas de vue de la Métairie arrangée ni de la Laiterie C'est à tort que les mauvais auteurs citent la porte d'entrée du côté de Chambourcy. Ce ne fut jamais une fabrique dans l'esprit de M. de Monville. La "Tente tartare" s'appelait "Tente avec un dôme fait à la manière siamoise" et la Métairie arrangée s'est aussi appelée "ferme ornée". Le théâtre de plein air était le "Théâtre découvert sous un berceau de grands ormes".

Quelques autres fabriques, à l'état de projet en esquisse, n'ont jamais été réalisées : une volière, un pavillon rustique sur un plan irrégulier, un appartement, six tentes et surtout des "Bains à prendre sous un rocher", qui auraient fait un pendant au rocher-grotte. Le Désert est en effet peu muni de rocailles.

Parmi les fabriques qui n'ont pas totalement disparu, il ne reste de certaines que des fragments.  Ainsi ne subsiste-t-il que le soubassement en pierre du pavillon chinois; la superstructure en teck, support de sa magnificence, n'est plus qu'un souvenir. Du théâtre découvert ne reste qu'un rectangle au sol et un pot à feu chinois dans un angle, du temple du repos deux mélancoliques colonnes ...

Pendant longtemps, ne connaissant les fabriques que par des gravures, je trouvais que la pyramide glacière, dans sa simplicité et son isolement, était l'architecture la plus forte. Et je trouvais la colonne détruite extravagante. Mais à l'épreuve du lieu, c'est bien la colonne détruite qui impose sa force, bien que le Désert soit un tout et qu'il vaille mieux ne pas en opposer les parties.


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Détails pratiques
 

Désert de Retz
Allée Frédéric Passy
78 240 - CHAMBOURCY
tel téléphone: 01.39.76.90.37

Les visites ont repris sous les auspices de la mairie de Chambourcy :
en 2009, les 2ème et 4ème samedi de juin à octobre
renseignements et inscription (obligatoire) au 01 39 22 31 37

Carte IGN au 1/25000 ème TOP25 n° 2214 ET de Versailles - Forêts de Marly et de Saint-Germain - 58 F



Quelques liens spécifiques

Bibliographie et contacts



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ext signale les
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droits réservés de l'auteur, Dominique Césari (texte et illustrations)
Page créée le 23 février 1999   -   Dernière mise à jour: 11 mai 2002
sept 2009 : conditions de visite à la réouverture - quelques liens ajoutés par la suite


Notes
1   Certains veulent voir dans le Désert une oeuvre franc-maçonne, servant de parcours intitiatique. Je n'en suis pas convaincu. Les similitudes évoquées dans le livre de CENDRES-RADIGUET sont insuffisantes pour soutenir une présomption. Diana KETCHAM discute cette question de manière bien plus approfondie et juge improbable une destination maçonnique.

Toutefois, une bonne partie des fabriques ont une forte charge symbolique : la pyramide, le tombeau, l'obélisque, la colonne détruite ... Racine de Monville n'était pas ignorant en occultisme (qui l'était à cette époque dans son milieu ?).   Par une étude géométrique systématique, Michel DRACH vise à démontrer que les fabriques sont implantées selon des tracés régulateurs occultes, en relation avec la numérologie. Je n'adhère pas à ces analyses, mais il ne faut sans doute pas ignorer ces influences dans la conception du Désert.
Michel DRACH " Le Désert de Retz à la lumière d'un angle particulier " autoédité en 1995. ISBN : 9-782-9509177-0, 90 F plus port, en vente au bureau des amis de Chambourcy et du Désert de Retz ou auprès de l'auteur.

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2   Le saut de loup ou ha-ha : c'est un simple fossé, complété éventuellement d'un mur encaissé dans le creux et arasé au niveau du sol. Il remplace un mur pour clore un terrain. L'observateur un tant soit peu éloigné ne perçoit plus la limite du domaine, qui se fond ainsi dans son environnement. Par effet pyschologique on a l'illusion d'un espace considérablement agrandi.
ha ha ou saut de loup

Le nom de ha-ha viendrait de l'exclamation du Comte d'Artois butant sur ce dispositif lors d'une promenade à cheval. Charmant mais assez douteux.
D'autre part les puristes font une distinction entre le ha-ha (qui répond au croquis ci-dessus) et le saut de loup.

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3   Le parcours de Racine de Monville sous la Terreur suscite des interrogations : arrêté comme "complice de l'infâme Orléans, ... d'un sybaritisme connu, dans son château de Chambourcy" il est emprisonné à Talaru. Les détenus y jouissaient d'une relative liberté, Monville s'y distingue par son adresse au volant, malgré ses soixante ans. Son sort devient plus qu'inquiétant quand il est envoyé à la Conciergerie, antichambre du Tribunal Révolutionnaire donc de la guillotine. Heureusement, il n'y avait que quelques jours avant la chute de Robespierre. Mais il en ressort, et est même rapidement libéré, dans le cadre de la réaction thermidorienne. Il se dissimule un moment, puis est à nouveau incarcéré à Talaru. Il est enfin définitivement libéré.

Ce parcours suscite des interrogations. Pourquoi n'a-t-il pas été jugé plus rapidement ? Il est vrai qu'il n'avait rien de subversif et qu'il n'y avait aucun enjeu politique autour de sa personne : mais ça ne préservait en rien, à cette époque où l'accusateur public ne motivait le plus souvent l'échafaud que d'une éructation formulée en termes généraux.   Dans un premier temps, et sans avoir recherché d'informations à ce sujet, j'émettais l'hypothèse qu'il avait acheté son sursis jour après jour à prix d'or, entre sa première arrestation et l'envoi à la Conciergerie. Sous prétexte de soins, les emprisonnés pouvaient demander leur transfert dans des maisons érigées en hôpitaux avec la complicité des détenteurs du pouvoir judidiciaire. Les bénéficiaires différaient l'issue fatale tant qu'ils pouvaient honorer l'écrasante pension journalière exigée.
Voila un sujet pour remueurs (euses) de vieux documents. Voir : Olivier Blanc, La Corruption sous la Terreur, Robert Laffont, 1992, ISBN : 2-221-06910-2

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