Rambouillet (dans les Yvelines) est magnifiquement situé au cœur d'un massif forestier qui aura suscité bien des convoitises pour ses possibilités de chasse à courre.
Autour du château s'étend un complexe de jardins et bâtiments, témoignage d'un intérêt multi-séculaire pour ce lieu transmis à la République.
A l'origine domaine féodal de la famille d'Angennes, Louis XIV l'achète pour son fils légitimé le comte de Toulouse, qui le transmet à son fils le duc de Penthièvre.
Celui-ci modernise le parc et charge en particulier l'architecte Jean-Baptiste Paindebeld d'orner de fabriques le jardin anglais qu'il aménage dans le vallon où serpente l'exutoire de la pièce d'eau.
En 1783, Louis XVI se fait céder le domaine par le duc de Penthièvre pour disposer des chasses. Ce n'est pas du goût du vieux duc, mais il se plie à la volonté royale, et obtient en échange que Laborde lui cède le château de
la Ferté-Vidame, également pourvu d'un vaste domaine forestier.
Louis XVI achève le jardin anglais (sous la conduite d'Hubert Robert), fait construire la Laiterie de la Reine et aménager la bergerie (1).
Plan
Rambouillet : le jardin anglais et ses abords
Éléments subsistant
C - la chaumière aux coquillages
. G - rocaille du pavillon chinois (dite grotte des deux Amants)
. E - ermitage (reconstruit)
. L - la Laiterie de la Reine
r - la rivière anglaise
reporté sur une vue aérienne Google Earth
Le jardin anglais
Il est organisé le long de la " rivière anglaise " (2) aux bras multiples, barrée de déversoirs et franchie par plusieurs ponts de pierre.
On y trouvait plusieurs fabriques : l'ermitage, la chaumière aux coquillages et un pavillon chinois fameux, posé sur une arche de rocaille formant pont, d'où sort la rivière qui s'écoule en cascade de l'exutoire de l'étang supérieur.
L'arche de rocaille du pavillon subsiste, ainsi que plusieurs ponts de pierre, plus ou moins reconstruits. L'ermitage, ruiné par un incendie en 1979, ne présentait plus que quelques pans de murs jusqu'à sa reconstruction entreprise en 2003.
La chaumière aux coquillages, soumise à une humidité constante, a été restaurée à plusieurs reprises. Elle est à nouveau ouverte aux visites.
La rivière anglaise, ponts et rocaille
arche de rocaille
C'est l'arche de rocaille sur laquelle était implanté le pavillon chinois, disparu comme la plupart de ces frêles constructions de bois.
On voit que la rivière anglaise en débouche.
L'anecdote supplantant volontiers l'histoire, cette rocaille fut appelée "grotte des deux amants" à la fin du 19ème siècle, suite, paraît-il, à la mort d'un couple de jeunes promeneurs qui
s'y seraient réfugiés pendant un orage.
Chaumière aux coquillages
Le duc de Penthièvre fit bâtir en 1779 la curieuse chaumière aux coquillages pour sa belle fille la princesse de Lamballe, "l'ange de la Reine" (3).
Ce minuscule bâtiment dissimule derrière un aspect volontairement anodin un intérieur d'un grand raffinement, au décor de coquillages, de céramiques bleues et de panneaux chinois.
Mis en valeur par un entretien méticuleux des abords : grands arbres, bosquets, canaux du jardin anglais, ... l'ensemble serait éblouissant.
Je désespérais que la conscience culturelle ne franchisse l'horizon visuel de la terrasse du château, maintenue au mieux puisqu'il s'agit d'une résidence présidentielle,
pour s'étendre jusqu'à la chaumière et à la laiterie.
Je n'aurai pas l'immodestie d'imaginer que c'est parce que j'aurais été entendu que des travaux d'entretien ont été entrepris à la laiterie puis dans le jardin anglais, où la chaumière a fait l'objet de travaux approfondis de réfection.
Ils étaient bien nécessaires, et les dégâts causés par la tempête de décembre 1999 imposaient d'agir (le pont de Guéville, attenant à la chaumière, avait éclaté sous la chute d'un gros arbre).
La première phase de la reconstruction de l'ermitage a été achevée à l'été 2003. Outre ces travaux sur les fabriques, l'entretien du parc est bien amélioré.
La Laiterie de la Reine
Marie-Antoinette s'ennuyait à Rambouillet pendant que son époux y chassait.
Pour lui rendre le séjour plus agréable, Louis XVI lui fit construire en 1787 par Thévenin
la Laiterie de la Reine, formée d'un temple grec abritant la salle de dégustation
attenant à une grotte des nymphes.
Laiterie de la Reine
En dehors du pilastre d'entrée, l'extérieur est sans recherche particulière.
Le joyau est l'intérieur, d'inspiration antique mariée de mode du moment. La première salle en rotonde servait aux dégustations. Elle était meublée en style Louis XVI par Jacob. Ce mobilier a été dispersé
et les pots de dégustation en Sèvres ont disparu (4). Sous l'Empire, une table de marbre ronde a été ajoutée, refaite à la Restauration.
Dans la salle du fond, la grotte de rocaille abrite un groupe en marbre blanc par Pierre Julien (5) d'une grâce exquise : la nymphe Amalthée (6) s'apprêtant à la baignade, et sa chèvre.
Les deux bas reliefs ornant les murs, enlevés par Joséphine pour la Malmaison, ont très heureusement retrouvé leur place en 2007 après deux siècles de pérégrination (7).
Ils sont également de Pierre Julien et représentent des scènes antiques de circonstance : Jupiter nourri par la chèvre d'Amalthée, avec les Corybantes à proximité. Apollon puni gardant les troupeaux.
Toutefois, sans le bassin du fond ou les vasques latérales, l'eau ruisselante et les plantes ornant la grotte, la salle reste bien nue sous l'éclairage zénithal.
Intérieur de la laiterie
Visite, liens
Conditions habituelles : ouvert tous les jours sauf le mardi. Fermé le premier de l'an, le 8 mai et le 25 décembre. Horaires d'ouverture : Été : 10h-12h / 14h-17h30 - Hiver : 10h-12h / 14h-15h30. Fermeture des caisses 1/2 heure avant la fermeture du château. 15 F de visite Chaumière + Laiterie.
Tél. : 01.34.83.00.25
Attention : dans le cadre des travaux d'entretien, la visite se limite à la Laiterie de la Reine, on ne visite pas la Chaumière aux coquillages. Reprise des visites à l'horizon 2005.
En outre, fermeture de la laiterie certains jours. Avant tout déplacement, bien vous renseigner au numéro ci-dessus.
Tous droits réservés de l'auteur, Dominique Césari texte initial de 1998 - dernière mise à jour : novembre 2009
Notes
1 - La Bergerie n'a pas de lien fonctionnel avec la Laiterie. Elle a été voulue à la même période pour l'amélioration du cheptel ovin, et en premier lieu pour abriter le troupeau de moutons mérinos offert par l'Espagne au roi Louis XVI. Elle est devenue la Bergerie nationale.
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2 - La "rivière anglaise" est la Guéville, qui prend sa source juste en amont du vaste étang central au bord duquel se dresse le château et l'alimente.
Elle sort du grand étang par l'exutoire ménagé en ce point pour la faire chuter dans la grotte de rocaille.
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3 - La beauté et l'amitié de la princesse de Lamballe pour Marie-Antoinette
lui valurent ce surnom d'ange de la Reine. Elle était surintendante de la maison de la Reine. Sa grandeur d'âme la perdit : par fidélité, elle revint
d'Angleterre fin 1791 pour rejoindre Marie-Antoinette. Au cours des massacres de septembre,
la princesse fut assassinée avec barbarie
par les gardes de la prison de la Grande Force et sa tête promenée dans Paris au bout d'une pique (3 septembre 1792). Un millier de prisonniers furent tués pour l'ensemble des prisons parisiennes. Les malheureux
étaient extraits des cellules et, après un simulacre de procès pire qu'au tribunal révolutionnaire, massacrés à tour de bras.
Le jugement répondait aux grondements de la foule. Le cynisme atteignait son comble quand, devant l'inanité des charges, l'ordre était donné de transférer le prisonnier, ce qui pouvait paraître une clémence puisqu'au moins la sentence capitale n'était pas tombée; l'homme ou la femme était dirigé vers la sortie, où il tombait sous les coups des égorgeurs.
Quand, pour aller se désaltérer, les gardes adossaient leurs piques au mur, le sang dégoulinait au point que les traces en sont encore visibles sous des vitrines.
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4 - Le service de dégustation en Sèvres compte parmi les œuvres maîtresses de la manufacture. Sa conception fut confiée à Lagrenée le Jeune. Plusieurs pièces du service sont dans les collections publiques.
Un modèle de bol dit "au sein" ou "bol-sein"
ou "bol-téton", ressemble à une poitrine féminine retournée. Il est assez souvent dit qu'il aurait été
moulé sur celle de la Reine. Je n'en crois rien; sauf à recevoir une preuve historique incontestable, j'y vois un avatar moderne des rumeurs la concernant.
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5 - Pierre Julien (1731-1804), natif de la Haute Loire, est un élève de Coustou fils. Il sut donner au marbre une perfection transcendant le rendu usuel.
Une exposition a eu lieu en 2004 au musée Crozatier du Puy.
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6 - Dans les versions littéraires élaborées du mythe, Amalthée est une nymphe et c'est sa chèvre qui allaite Jupiter nouveau-né; d'ailleurs la nymphe Melissa l'accompagne.
Mais, comme souvent en mythologie, le personnage d'Amalthée est moins clair qu'il n'y paraît,
Par la nature même de la construction mythologique, la légende ne peut être d'un jet pur car elle s'est forgée dans le temps, traduite sous plusieurs formes, avec des emprunts aux mythes analogues provenant d'autres contrées.
Donc, chèvre ou nymphe ? zoo ne sait pas conclure, sais-tu. Mais, pour un chèvre-pied, qu'importe le fourreau pourvu qu'on ait l'ivresse !
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7 - Les mystères de la Laiterie de la reine , dossier de l'Express, nous conte le sort du groupe de médaillons. La réinstallation à Rambouillet a été décidée en 2007 et est effective.
Cet article de 2003 et la note de bas de page de la présentation de l'exposition de 2004 prenaient parti pour une installation au Louvre. Le puriste argument selon lequel l'intérieur de la laiterie ayant été transformé sous Napoléon 1er, il n'était pas opportun d'y réinstaller les bas-reliefs, me semble ressortir d'un
parisianisme estimant qu'aller à Rambouillet risque de souiller les escarpins.