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Saint-Leu
le premier parc : 1775-1790 plan sommaire le parc "de la reine Hortense" plan sommaire vues de reliquats visite, liens |
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Historique - le premier parc
Saint-Leu s'est trouvé être un nœud pour les personnages liés aux parcs à fabriques, qui en ont été les maîtres, ou y ont séjourné. Le domaine fut porté au premier plan des parcs à fabriques vers 1775, puis, après transformation vers 1805, des parcs de l'Empire, à la charnière de l'avènement du romantisme.
Avant la Révolution, Saint-Leu comptait deux châteaux : le château d'en haut, démoli et reconstruit au milieu du XVIIe siècle, et le château d'en bas, édifié en 1693 pour Lorieul de la Noue, Secrétaire du Roi. A deux reprises au moins les deux châteaux furent aux mains du même maître (dont Lorieul de la Noue), mais les propriétés ne furent jointes (et le château du haut détruit), que sous Louis Bonaparte en 1804.
Le parc à fabriques fut développé autour du château du bas par Jean-Joseph de Laborde, qui se porta ultérieurement sur Méréville. Il en fit l'acquisition en 1774, vraisemblablement pour disposer d'un pied à terre à la campagne moins éloigné de Paris que sa magnifique propriété de la Ferté-Vidame. C'est donc Laborde qui prit l'initiative de la transformation en jardin à la mode, dont les éléments essentiels s'organisaient autour de la rivière anglaise. Celle-ci sortait du "gros rocher", une rocaille artificielle, implantée au centre du parc, sur un ressaut du plateau inférieur. L'eau y était amenée d'une source éloignée par une canalisation procurant un débit soutenu ("six pouces d'eau"). La rivière parcourait d'abord une succession de trois ou quatre biefs de quelques dizaines de mètres, qui se terminaient chacun par une rocaille d'où l'eau chutait en cascade dans le suivant. L'eau s'engouffrait ensuite à l'arrière du rocher du temple, d'où elle ressortait en chutant dans le canal inférieur. C'est là que se trouvait composé le tableau le plus remarquable, visible depuis l'arrière du château. Le rocher était surmonté d'un temple rectangulaire à quatre colonnes vermiculées supportant un baldaquin. Des arbres précieux d'espèces variées ornaient les rives et s'accrochaient aux anfractuosités du rocher, des plantes rares tombaient du baldaquin. Les hôtes pouvaient canoter sur la rivière anglaise, à bord de petites embarcations finement ouvragées. Devant le château, un pont de bois fortement cintré franchissait la rivière. Cette composition fit couler beaucoup d'encre : admirée comme le dernier raffinement, ou moquée pour son extravagance.
Le château du bas et son parc passèrent en 1777 au financier Beaujon, qui par ailleurs fit construire la Folie-Beaujon. Il ne semble pas avoir apporté de modifications à Saint-Leu, dont il se dessaisit au bout de trois ans.
En 1780, Philippe d'Orléans, encore duc de Chartres acquit le château d'en bas et le parc, sous la couverture de son épouse. Bien qu'il y fit peu de modifications, c'est entre ses mains que le parc est connu pour cette première période, peut-être parce qu'il s'y attacha plus que Laborde, mais aussi parce que les descriptions classiques (Le Rouge cahier 12, Thiéry ...) le lui attribuent, puisqu'il était en sa possession lorsqu'elles furent rédigées. C'est ici que les enfants du prince pratiquèrent le jardinage et les travaux manuels, intégrés à leur éducation par leur gouvernante Madame de Genlis, par ailleurs maîtresse du duc. Trois petits enclos légendés "jardins des petits princes" sont mentionnés sur le plan de Le Rouge. Je n'ai pas encore de précisions sur les modifications apportées par le duc de Chartres. Elles semblent mineures. En revanche, le jardin restait des plus soignés, comme en attestent la description de Le Rouge et l'inventaire de 1794 qui dénombre plus de 17000 plants et permet de connaître le détail des plantes en question.
Emprise du parc de Laborde et des Orléans | ||
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Ce plan sommaire est approximatif |
Le parc de la reine Hortense
En 1804, Louis Bonaparte acquit les deux châteaux, fit détruire celui du haut et réunit les deux parcs. Le parc fut remanié par Berthault, qui traita également la Malmaison (1). La partie supérieure du parc, agrandie par l'acquisition, accueillit de nouvelles fabriques : une vallée suisse avec chaumières, un pont sur un chemin encaissé, un monument égyptien. Le belvédère supérieur, à peine marqué à la période précédente, gagna de l'importance. Dans la partie inférieure moins pentue, également agrandie, trois étangs furent créés. Deux, reliés par une nouvelle rivière, au-delà du gros rocher d'où s'écoule la rivière anglaise. On y canotait également, et ils devinrent un des points focaux du parc. La vue classique de Constant Bourgeois montre ce gracieux kiosque très allégé, légèrement au-dessus de la nouvelle rivière. Un autre étang fut creusé plus en contrebas. Ces compléments furent prétexte à de nouveaux ponts et à des pavillons. On ajouta aussi des jeux : balançoire, jeu de bague, "mât de cocagne" (qui n'en était pas un, mais un papegeai, c'est à dire une cible de tir à l'arc).
Plus qu'un complément au parc précédent, ces aménagements sont une évolution vers un jardin romantique, atténuant quelque peu la préciosité du parc à fabriques.
Dans sa "Description des nouveaux jardins de la France" de 1808, Alexandre de Laborde fait une description complète du parc à cette période, avec gravures de Constant Bourgeois.
Sur cette étape non plus, je n'ai pas assez de détails pour préciser les suppressions faites dans les fabriques de Laborde : en particulier, à quel moment fut détruit le temple à baldaquin et colonnes vermiculées ?
A. Maillard, dans une phrase incidente, tient pour acquis que le temple existait toujours sous la reine Hortense. C'est en contradiction avec le plan qu'il commente, en principe de 1811.
Louis Bonaparte, marié à Hortense de Beauharnais, fut créé roi de Hollande par Napoléon, et son épouse devint la reine Hortense . Ils aimaient tous deux Saint-Leu. Louis, s'opposant à son frère sur l'absence de latitude politique dans laquelle il était tenu, abdiqua et commença une vie errante. Les deux époux, qui n'avaient jamais eu beaucoup d'inclination mutuelle, se séparèrent, et Hortense reçut le château. Elle y mena jusqu'en 1815 une vie brillante, puis dut s'exiler et se fixa à Arenenberg .
Emprise du parc de la reine Hortense | ||
Principaux éléments du parc
(lettres noires): C - le château gr - le gros rocher (source de la rivière anglaise) c - cascades du bras supérieur k - le kiosque e1 et e2 - les étangs neufs rp - rocher portant le pont franchissant la rivière r - gros rocher (nouveau) h - hangar à bateaux f - la fontaine Maclou ei - étang inférieur b - le belvédère ch - chaumière (?) p - pont sur un ravin e - tombeau égyptien s - saut-de-loup |
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Attention : ce plan comprend des interprétations personnelles des emplacements des fabriques |
La dernière page s'ouvrit en 1816 avec l'achat du domaine par Louis-Henri-Joseph de Bourbon-Condé, intéressé par une résidence à la lisière de la forêt de Montmorency dont il était propriétaire. Elle se referma sur un scandale retentissant, le prince ayant été trouvé un matin d'août 1830 pendu à une espagnolette dans une pièce fermée de l'intérieur. Le neveu du prince se trouvait privé d'héritage au profit du duc d'Aumale (4ème fils de Louis Philippe, en principe un Orléans honni, mais filleul du prince). Sophie Dawes, la calculatrice maîtresse encore jeune du vieux prince, lui avait arraché ce testament par un insoutenable harcèlement moral. Elle-même bénéficiait d'une part mineure mais déjà considérable de l'énorme fortune du défunt, dont Saint-Leu et Mortefontaine. Le neveu contesta le testament, soutenant que son oncle avait été assassiné. Le procès retentissant, avalisant la thèse du suicide, disculpa les Orléans et Sophie Dawes, sans convaincre l'opinion publique (2).
Peu après, Sophie Dawes, en butte à l'hostilité locale, revendit Saint-Leu. En 1837 le château, dont l'entretien était fort onéreux, fut abattu.
La famille de Louis Bonaparte a sa crypte (3) dans l'église de Saint-Leu, aménagée en 1851 par Napoléon III qui est, rappelons-le, le troisième fils de Louis et d'Hortense (4). Plusieurs cérémonies d'importance nationale s'y déroulèrent sous le second empire, ravivant la mémoire de la période napoléonienne. Aussi, le domaine était présenté à la fin du 19ème siècle comme le "château de la reine Hortense".
Vues de reliquats du parc et de ses abords
Le monument a été édifié en 1844. Il est réputé avoir été conçu pour que la croix s'élève précisément à la hauteur où se trouvait l'espagnolette où le prince fut trouvé pendu. C'est donc un repère parfait pour localiser l'emplacement du château.
Cette rocaille de la "source Méry" est un des rochers de la première période. Il s'agit le plus vraisemblablement (A. Maillard, recoupements du niveau du terrain, ...) du "gros rocher", d'où jaillissait l'eau captée à la source Genêt, plus haut sur le coteau, et acheminée jusque là par une longue canalisation. Mais il pourrait aussi s'agir du soubassement du "rocher du temple" d'où la rivière rejaillissait en cascade dans le bief final. A la fin du 19ème siècle, Méry exploita la ressource et installa non loin une usine d'embouteillage. Il semble que la rocaille visible aujourd'hui ait été sérieusement reconstruite par cet entrepreneur, dans un but de promotion commerciale. En revanche, il ne fait pas de doute qu'il s'est appuyé sur un soubassement datant du parc de Laborde.
Plusieurs sources sourdent du pied du coteau (5). L'une d'entre elle, la fontaine Maclou, a une notoriété remontant au moyen âge. Du temps du parc de la reine Hortense, elle se déversa dans l'étang continuant le canal supérieur de la rivière anglaise, contribuant à son flot, mais de façon mineure, l'essentiel étant prélevé sur le flot aboutissant à la cascade de la première époque, et amené par canalisation. Pour être précis, la vue montre la petite mare où l'eau s'épand; la fontaine proprement dite, moins spectaculaire (?), est encastrée dans le sol cinq mètres derrière.
Le reliquat présumé de canal de la vue de droite serait une trace de la rivière joignant les étangs ajoutés par Hortense.
Ce creux est à droite de la route, du côté du bas, une trentaine de mètres après la fontaine. Celle-ci est immanquable, du côté de la pente, juste après la fin du grillage d'une résidence de repos à droite de la route, là où la route devient chemin.
La vue ne restitue qu'un des deux bastions de la rocaille, qui s'élèvent de part et d'autre d'un seuil également en rocaille. La rivière joignant les deux étangs ajoutés par la reine Hortense passait dans ce seuil, puis se jetait dans l'étang le plus à l'est, dont le reliquat est un creux situé hors champ à droite de la vue. L'emprise de cet étang est bien lisible dans la configuration actuelle des lieux, surtout en hiver quand les feuilles sont tombées. Après de fortes pluies, on devine mieux le tracé de la rivière, dont certaines parties s'emplissent d'eau provisoirement. La rivière et les étangs étaient de niveau, ce qui permettait aux canoteurs de passer sous le pont et de voguer aussi bien sur la rivière que sur les deux étangs. Le pont reposait par ses extrémités sur les bastions de rocaille.
Ce rocher de rocaille est marqué "rp" dans le plan ci-dessus, il se situe à une vingtaine de mètres en contrebas du chemin, et à environ quatre-vingt mètres de la fontaine Maclou. Ce n'est pas le "gros rocher" (nouveau, marqué "r" ci-dessus), comme le laisse entendre la vignette du plan de la promenade mentionné ci-dessous. Une petite confusion est introduite puisqu'il y a un gros rocher de la première période puis un sur le bord de l'étang nouveau le plus à l'est; on la lève facilement en précisant leur localisation respective. Ces vues sont prises dans la pénombre de la forêt, elles sont plus lisibles une fois agrandies.
La chaumière date de la reine Hortense; il n'est pas dit qu'elle n'ait pas été rénovée ultérieurement et que le faux rondin ne soit pas plus tardif. On repère très facilement au sol le soubassement, près d'un carrefour de chemins forestiers immanquable. Dans le plan de la promenade dont il est question ci-dessous, cette chaumière est appelée "la chapelle"; elle était encore debout en 1985 et communément désignée sous ce nom dans le voisinage. Dans son commentaire du plan de 1811, A. Maillard mentionne une chaumière. Sans en être certain, je localiserais la "vallée suisse" comme s'étendant depuis cette chaumière jusqu'au ravin sur lequel avait été jeté un pont, et descendant jusqu'au chemin longeant la fontaine Maclou.
On peut voir, sur la route de Chauvry ou route de la Croix Saint-Jacques, des restes du saut-de-loup qui clôturait le parc à sa limite supérieure. Sur une bonne longueur, le fossé est plus marqué côté parc qu'à l'ordinaire, et surtout, deux pans de mur de deux ou trois mètres de long subsistent à une cinquantaine et une centaine de mètres du parking indiqué sur le plan de la promenade.
Visite, liens
Le domaine a été loti et on ne peut plus percevoir son emprise. La colonne commémorative, avenue du Château, vers l'endroit où y aboutit la rue de la Marée, permet de situer très précisément le château (mais ce n'est pas un reste du parc).
Le reste du parc le plus visible est la "source Méry", un des rochers de la rivière anglaise, mais rénové et/ou augmenté à la fin 19ème dans des proportions que je ne connais pas. Cette rocaille se trouve sur un terrain privé au fond de l'allée des Sources, mais est bien visible au travers de la grille (voie privée, s'y rendre à pied). Plus difficiles à trouver, mais absolument authentiques, les rochers d'appui du pont sur la nouvelle rivière, en contrebas de la trouée de Leumont, qui prolonge le chemin de Madame.
La commune de Saint-Leu, en collaboration avec l'Office national des forêts, a aménagé une promenade balisée "sur les pas de la reine Hortense" , qui permet de découvrir dans la partie du parc incorporée à la forêt de Montmorency les autres reliquats décrits ci-dessus : le pavillon, le rocher portant le pont sur la rivière de la deuxième période et le creux de l'étang. Ils sont malheureusement bien peu évocateurs de la gloire passée (sur le plan de la promenade les petites vignettes ont pour vocation de montrer l'aspect d'époque, leur état actuel est montré dans les vues ci-dessus).
Hortense, duchesse de Saint-Leu et d'ailleurs bulletin des Amis de la bibliothèque municipale Albert Cohen de St-Leu.
Voir un plan de localisation des reliquats du parc.
Contact :
Maison Consulaire
2, rue E´mile Bonnet
01 34 18 18 90
Ouvrages :
Henry Caignard : Histoire de Saint-Leu, Éditions Roudil, 1970, épuisé. Consultable à la bibliothèque municipale.
André Maillard : Saint-Leu la forêt à travers les siècles, 1936, réimpression en 2001
Nicolas Vergnaud : L'art de créer les jardins, Paris, 1839 (description d'une vingtaine de parcs dont Saint Leu) e-rara Bibli. Zürich
Voir des cartes postales anciennes.
Notes