Ces parcs n'ont laissé sur place qu'une empreinte peu visible, voire absolument aucune.
Leur souvenir local s'efface et il n'est pas facile d'accéder à leur présentation.
Il faut même prendre garde à la véracité de certaines descriptions, dérivant de rédactions peu scrupuleuses
du 19° siècle reprises sans vérifications.
Dans son ouvrage " Garden pavilions of the Ancien Regime " mentionné dans la bibliographie générale, Mme Eleanor DeLorme
présente la plupart des sites majeurs : Saint-Leu, Bellevue, Le Raincy, Le Moulin-Joli de la folie Beaujon, l'hôtel de Mme Thélusson, le pavillon de l'Aurore,
le pavillon turc d'Armainvilliers, les pavillons chinois des hôtels de Marigny et de Montmorency, Ménars. Mme Delorme cite également Betz et Bonnelles (en laissant entendre qu'ils ont disparu), Roissy et le Moulin Joly de Watelet.
Ne voulant pas me contenter de paraphraser cet ouvrage, je vous y renvoie, d'autant plus qu'il est indispensable à toute personne intéressée par le sujet.
J'ai toutefois réuni à leur propos quelques informations complémentaires ou liens :
Grotte de rocaille surmontée du pavillon de l'Aurore dans le parc du duc de Richelieu à Gennevilliers. S'appuyant sur un travail historique approfondi, le cabinet Art Graphique et Patrimoine de Joinville-le-Pont a reconstitué le pavillon en 3D virtuelle. Le remarquable résultat a fait l'objet d'un article dans Gennevilliers-Magazine de janvier 2001.
Pavillon turc d'Armainvilliers.
Roissy, du comte de Caraman, inspirateur du jardin anglo-chinois du Petit Trianon. (seulement signalé par Mme DeLorme)
Il ne subsiste que la porte des écuries du château, mais aucune fabrique. Les magnifiques cèdres que l'on peut voir entre les voies de l'autoroute du Nord en se rendant à l'aéroport de Roissy
font partie des plantations du parc : c'est donc très certainement le parc à fabriques dont le plus grand nombre de français et d'étrangers ont vu un reliquat,
mais bien peu le savent !
Château de Ménars, pour Marigny, qui l'avait reçu en 1764 en héritage de sa soeur, la marquise de Pompadour . Fut un terrain d'expérience par les nombreux projets envisagés. Tout en restant un domaine important, il n'y subsiste des fabriques qu'un pavillon classique assez éloigné de l'esprit des parcs à fabriques, et un obélisque.
Sur le site de l'Université de Nice vues du temple des arts et du projet de temple du repos de Charles Wailly.
Et de moindre importance :
Pavillon chinois de l'hôtel de Marigny
Pavillon chinois de l'hôtel de MontmorencyC'était un simple kiosque de treillage posé sur la terrasse bordant le boulevard. Sur l'emplacement de cet hôtel a été construit le théâtre des Variétés, sur les grands boulevards.
Le quartier était un nid d'hôtels du grand monde en relation avec les parcs à fabriques. Juste à côté se trouvait le pavillon de Hanovre, propriété du duc de Richelieu cité ci-dessus.
Un peu plus loin, le jardin terrasse de la rue de Caumartin et celui de messieurs Arthur et Grenard cités ci-dessous ....
Autres parcs à fabriques disparus
Jardins du comte d'Albon à Franconville (Val d'Oise) : parc philosophique multipliant les références . S'il est en fait bien connu de quelques spécialistes, il n'est pratiquement pas décrit dans les études sur ces jardins anglo-chinois. Je prépare une page dédiée.
Voir la page archéologie et histoire de Franconville .
Le parc d'Etupes (Territoire de Belfort). Les ducs de Wurtenberg, princes de Montbéliard jusqu'en 1793, y avaient un château et, à quelques kilomètres, une résidence d'été à Etupes.
Le parc fut aménagé en jardin anglo-chinois vers 1770, avec un pavillon et des ponts chinois.
Le château a été détruit sous la Révolution. Il ne reste plus aucun vestige, un lotissement occupe l'emplacement.
Voir la description communiquée par M. Tisserand de Montbéliard, que je remercie bien vivement..
Attichy (Oise), de la duchesse de la Tremoille.
L'Hermitage de Condé sur Escaut (), du duc de Cröy. Le jardin anglais comprenait un pavillon chinois. On y trouve toujours un châlet suisse, dont je ne sais pas encore s'il date de l'époque.
Le duc de Cröy a longuement narré la vie de la cour, fournissant de nombreuses anecdotes et jugements sur les protagonistes des parcs. Son goût s'est plutôt fixé sur la période précédente.
Le Colisée de Lille, sur le territoire de Lambersart. Parc éphémère, achevé en 1787, il fut détruit en 1792 pour faciliter la défense de la citadelle. Voir la page dédiée.
La princesse Kinsky, comtesse et petite-fille d'un palatin de Hongrie, amie de Choiseul, fit aménager en jardin anglo-chinois vers 1785 le parc de l'hôtel de Gourges qu'elle venait de racheter. On y installa une orangerie, une serre chaude, un petit lac, une grotte avec un pont et un pavillon chinois.
La plupart de ces aménagements ont aujourd'hui disparu. L'hôtel Kinsky
est affecté aux services du Ministère de la Culture (Paris 7°)
l'hôtel de Beaumarchais (Paris) : voir la page dédiée.
le domaine de la comtesse de Provence (Versailles, quartier de Montreuil) : voir la page Wikipedia . Alors que le futur Louis XVIII offrait le parc Balbi
à sa maîtresse, son épouse légitime faisait aménager un hameau dans son domaine de Montreuil, pendant plus modeste de celui de sa belle-sœur la reine à Trianon. Le hameau comprenait un bois de sycomores, d'ormes et de frênes, une rivière agrémentée de trois îles, une pelouse vallonnée, une montagne, ainsi que de nombreuses fabriques : chaumière, hameau, pavillon chinois octogonal, belvédère et temple de Diane.
Le domaine a été morcelé et il ne reste rien du hameau. Une laiterie en rondins a été classée monument historique comme fabrique du hameau, attribuée à Chalgrin, mais elle serait en fait du début 19°.
le domaine de Madame Elisabeth (Versailles, quartier de Montreuil) : la sœur de Louis XVI fit aménager à l'anglaise le jardin de son domaine privé. Il en reste une grotte de rocaille.
fabriques de moindre importance, également disparues :
Santeny (Villecresnes - Val de Marne). Propriété acquise en 1800 par l'architecte François Joseph Bélanger (créateur de Bagatelle et de la Folie Saint-James),
qui projette d'y installer une folie avec ferme, basse-cour, étang, bergerie, laiterie, glacière, orangerie, colombier, jardin potager, jardin anglais, vignes, verger, fabriques dont un pavillon chinois et un temple de Bacchus.
Seule une partie de la ferme avec basse-cour, laiterie, glacière, étang et un petit kiosque chinois ont été construits avant 1810. L'ensemble a été démoli en 1889 (là aussi la base Mérimée est prudente, alors que Krafft donne des détails sur les fabriques - supposées réalisées).
l'hôtel de Biron (Paris), actuel musée Rodin : pavillon chinois
Autres parcs ou fabriques isolées décrits par Le Rouge, Krafft, Thiery, etc..,
Il n'en reste pratiquement rien, sauf surprise heureuse qui justifierait de les reclasser.
Sites à l'existence prouvée, et dont le caractère anglo-chinois est avéré
Romainville : le château appartint aux Ségur. Elisabeth Vigée-Lebrun, portraitiste de bien des propriétaires de parcs à fabriques, s'y rendit fréquemment.
Jardin de madame de Boufflers à Auteuil (cité dans les fabriques isolées).
Chaillot Dans son Almanach du voyageur (op. cit.) Thiery en dit :
Le jardin de Madame de Marbœuf, à la grille de Chaillot, du côté des Champs Elysées, a été formé par feu M. de Jansen, Anglois, et disposé dans le genre de ceux de son pays.
jardin anglais de l'hôtel de Brissac, rue de Grenelle. A priori, il s'agit du jardin ayant fait l'objet d'une planche de Le Rouge sous le nom d'hôtel de Cossé
décrit par Thiery dans son Almanach du voyageur (op. cit.) : On trouve dans ce jardin toutes les espèces d'arbres étrangers qui peuvent supporter notre climat. Son plan varié offre des sites agréables.
Deux immenses masses de rochers, ingénieusement groupés dans le fond, y forment des cavernes où l'on est à l'abri des ardeurs du soleil et dont les sommets forment belvéders, d'où l'on domine sur les jardins voisins.
le jardin terrasse, rue de Caumartin, au coin du Boulevard
décrit par Thiery dans son Almanach du voyageur (op. cit.) :
Une terrasse, régnant sur la totalité de la maison qui fait l'angle de la rue de Caumartin et de la rue Basse, y forme un jardin de cent vingt toises de superficie;
des colonnes tronquées, des arcs de triomphe en treillages; des pyramides et des ruines en forment la décoration, et servent à cacher les tuyaux des cheminées;
deux petits ponts chinois y servent à traverser un ruisseau, qui, après avoir formé une isle sur ce jardin-terrasse, va distribuer ses eaux dans la salle à manger,
bains, etc. de la maison. La vue de cette terrasse est magnifique.
"un autre de ce genre, sur la maison de Messieurs Arthur et Grenard sur le même boulevard, au coin de la rue de Louis le Grand. La vue y est admirable. "
décrit par Thiery dans son Almanach du voyageur (op. cit.)
jardin pittoresque de Madame Vieillard, à Ivry-sur-Seine.
la description de Thiery dans son Almanach du voyageur ne comporte pas d'élément explicitement anglais, mais le qualificatif de "pittoresque" y fait référence.
jardin pittoresque de M. le duc de l'Infantado à Issy
décrit par Thiery dans son Almanach du voyageur (op. cit.) : ce jardin planté originairement à la françoise, vient d'être changé et disposé dans le genre anglois ou pittoresque.
Une immense pièce de gazon y sert de parterre; les allées sinueuses de la gauche conduisent à des sites agréablement aménagés; puis dans le fond du jardin, sur la droite duquel on rencontre une jolie petite guinguette, ayant pour enseigne les bonnes gens.
Son petit jardin particulier est distribué en cabinets, occupés par des tables et des bancs. Une petite rivière passe près de là; plus loin est un étang, au milieu duquel est une petite isle, habitée par des canards étrangers; un pont rustique, formé de branches d'arbres,
conduit à une autre petite isle, où se trouve une cabane de pêcheurs. C'est dans cet étang que la rivière vient terminer son cours.
Le sommet d'un rocher, situé au-delà de la serre chaude où l'on cultive les ananas, offre une vue agréable; une petite cascatelle pratiquée dans la caverne, renfermée dans le flanc de ce monticule, fait jouir cet endroit d'une fraîcheur délicieuse.
Du même côté est une magnifique volière traitée dans le genre chinois. On y voit des faisans dorés de la Chine, des faisans gris, des poules de soie et autres oiseaux.
Au delà est une glacière. Les Bosquets de ce côté contiennent des jeux de bague et d'escarpolette. L'orangerie placée près de là, présente une façade importante. On pratique l'été dans son intérieur un jeu de paume, qui se monte et se démonte facilement.
On voit dans la melonnière un grand palmier portant fleurs et fruits. Ce jardin, du côté de la plaine, est terminé par une grille qui en prolonge encore l'étendue.
Le jardin de M. Boutin, à Clichy
décrit par Thiery dans son Almanach du voyageur (op. cit.) : réunit des jardins bien peignés à des promenades agrestes; ce jardin est le premier de ce genre qui ait été fait dans cette ville.
Célèbre pour avoir été raillé avec une ironie d'une férocité inouïe par Horace Walpole (qui détestait les parcs à fabriques).
hameau de l'hôtel d'Evreux : Beaujon en avait fait transformer le parc en jardin à l'anglaise; l'hôtel, futur
palais de l'Elysée ,
passa au domaine royal, puis fut acheté par la duchesse de Bourbon, chassée de Chantilly par l'inconduite de son mari, le prince de Condé. Cette sœur du duc d'Orléans,
future citoyenne Vérité, fit construire dans le parc un mini-hameau de chaumières ornées, à la fois réminiscence du hameau de Chantilly et geste de démonstration sociale (?!) de la veine des chaumières du Raincy construites par son frère.
hameau du Palais Bourbon : le célébrissime fronton de l'Assemblée Nationale première fabrique de France ? c'est un peu tiré par les cheveux mais on pourrait la considérer comme telle. La duchesse de Bourbon puis le prince de Condé avaient aménagé cet enclos en bord de Seine, avec l'hôtel de Lassay, destiné à l'habitation, et l'extravagant palais à fronton grec, achevé en 1728.
Les filles du prince de Condé y construisirent vers 1770 chaumière et pavillon à la mode, le palais à fronton jouant de par la même le rôle de fabrique ...
Les éléments anglo-chinois ont totalement disparu et le palais a été très remanié pour accueillir la Chambre.
jardin anglais de M. Berthault à Neuilly : quelques gravures attestent d'un jardin anglais orné d'un pont, kiosque ... C'est bien l'architecte paysagiste de Joséphine de Beauharnais.
Le "Neuilly" dont il s'agit est un lieu-dit de Gouvieux (Oise). Le parc atteignait sept hectares mais a été loti. Peu documenté, a priori il est postérieur, remontant aux premières années du 19° et il n'en reste rien. Cité par Loudon dans son encyclopédie des jardins.
Par ailleurs, Le Rouge a décrit plusieurs sites d'autres pays (Angleterre, Belgique, Allemagne) qui sortent donc du cadre de ce recensement des sites français.
Sites qui entreraient dans le champ mais qui ont pu rester à l'état de projet
projet de Bettini presque certainement non réalisé : la maison de Monsieur Delphino
Port-Mort (Eure) : demeure dite Temple du Silence, par Jean Jacques Lequeu pour monsieur de Bouville.
Il s'agit d'un temple dorique au fronton assez chargé, les croquis sont consultables sur Gallica .
La base Mérimée le qualifie de "projet" et ajoute : "on ignore s'il connut un début de réalisation et quelle était sa localisation exacte, 4° quart 18° siècle".
Krafft l'a décrit dans son Recueil d'architecture civile comme bel et bien réalisé. Tout en signalant son intérêt, il ne cache pas son scepticisme sur l'adéquation de cette architecture à sa destination de résidence de campagne.
A-t-il été construit ? la transcription dans Krafft n'est pas une preuve (voir l'avertissement pour les ouvrages des contemporains dans la bibliographie générale).
C'est pour cette raison que je classe les sites ci-après mentionnés par Krafft comme "existence à confirmer".
En tout cas, il n'en reste rien.
maison de campagne de Mme d'Epinay à Sceaux.
la description de Krafft se termine par " le jardin offre les agrémens d'une petite rivière, d'un pont et de quelques monumens".
jardin de M. Tierry à Ville d'Avray.
la description de Krafft fait état d'un souterrain, d'une grotte, d'un temple de l'Amitié, sur les dessins de Lefebvre.
jardin de M. Michel, rue des Amandiers à Paris.
description de Krafft : jardin de 5 à 6 arpents (ndr 1 hectare et demi) avec des chemins sinueux qui passent les uns au-dessus des autres sur de petits ponts, et une chaumière.
jardin au Raincy.
description de Krafft : jardin anglais de 2 hectares avec fabriques dont un petit temple (il ne s'agit pas du parc des Orléans décrit ci-dessus mais d'une autre propriété de moindre importance).
ferme d'agrément à M. Castellane à Neuilly.
la description de Krafft correspond à une ferme ornée avec vacherie, laiterie, etc... L'architecte est Bélanger, ce qui est la garantie d'une conception raffinée.
Labossière, ainsi appellé par Le Rouge, est la somptueuse folie du fermier général La Bouexière, vers les Batignolles. Krafft détaille longuement le bâtiment, mais je n'ai pas de renseignements sur la présence de fabriques dans le parc.
jardin chinois et français de M. Jeanmaire à Saint-Louis (près de Bâle) : plan par Lequeu.
Bissé (?)
jardins de M. Morel (?)
Dampierre (?)
La Chapelle (?)
jardin de Mlle d'Espagnac (?)
jardin de M. de Caumartin (?)
Parcs ou fabriques isolées repérés dans d'autres sources
Château de Boullemont à Herbeville près de Maule (Yvelines) : un plan de 1788 montre un pavillon chinois et un belvédère dans un parc boisé aux allées rectilignes (archives des Yvelines).
Château de Saint-Germain-des-Prés à Cachan : un plan de 1785 fait apparaître d' importants embellissements des jardins, comprenant une fabrique et un pont sur la Bièvre.
jardin de la maison de Melle Dervieux ,
rue Chantereine à Paris - chanteuse épouse de Bélanger, qui aménagea cette maison pour elle; le jardin comprend une rocaille faisant belvédère, une pièce d'eau et une grotte.
Sites susceptibles d'entrer dans le champ. Il n'est pas certain qu'il s'agisse de parcs à fabriques.
Dans certains cas (Berny, Fresnes..) la voirie urbaine garde la marque des limites et d'allées des parcs, parfois une grille.
Brunoy :
Jean Paris de Montmartel avait
rénové le domaine dans le goût classique, avec de grands jeux d'eau. Le Comte de Provence, frère de Louis XVI, racheta le domaine
et, pour recevoir la cour, confia à l'architecte Chalgrin des aménagements importants :
petit château, un théâtre. Dans ce contexte, le parc a été aménagé. Le Rouge l'a décrit dans ses cahiers, mais le plan et les vues qui l'accompagnent ne rendent en aucune façon de caractère anglo-chinois. Un obélisque
marquant l'entrée du domaine et le ralliement des chasses fut construit sur les plans de Soufflot, il est cité dans les fabriques isolées.
Berny : ce domaine orné d'un jardin à la française et bien développé vers 1750, a été agrémenté d'un jardin anglais à la fin du 18° siècle. Peut être comportait-il des fabriques.
Château de Quevauvillers (Somme) : classement en 2008 mentionnant un "puits anglo-chinois".
Je m'interrogeais sur la possibilité de fabriques dans le parc du château de Choisy, que Louis XV avait acheté pour se reposer et y entretenir des maîtresses. Le flou venait d'une fabrique en aqueduc qui subiste encore dans un jardin public, mais elle est du XIX°, construite par un industriel sur une parcelle venant du morcellement du parc du château.
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droits réservés de l'auteur, Dominique Césari Page créée en janvier 2000 - Dernière mise à jour : 9 mai 2013