Parcs majeurs disparus
Adolphe Guyot : le moulin de la Folie-Beaujon |
La Folie-Beaujon historique vues anciennes |
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La folie se trouvait non loin de l'ancien hôpital Beaujon, faubourg Saint-Honoré (qui se développa dans la continuation d'un hospice construit par Beaujon à ses frais), et le terrain s'étendait jusqu'aux Champs-Elysées. L'emplacement en est rappelé dans le coin nord-est de la place de l'Etoile par les rues Beaujon et Balzac (qui habita à la fin de sa vie dans une des dépendances restaurée).
La folie a été aménagée en plusieurs étapes : le pavillon, puis la construction du Moulin-Joli peu avant la mort du financier, le remodelage du pavillon opéré par les acquéreurs ultérieurs, et enfin le parc d'attraction des premières décennies du 19ème siècle.
Nicolas Beaujon (1708-1786), originaire de Bordeaux, s'était follement enrichi dans les spéculations sur le grain, suivies d'habiles placements financiers. Il devint Conseiller d'Etat. Après avoir eu pour résidence l'hôtel d'Evreux (devenu le palais de l'Élysée), acheté en 1777, il commença l'aménagement d'une folie moins vaste, mais d'un grand raffinement. Il fit construire par l'architecte Nicolas-Claude Girardin un fameux pavillon d'habitation en briques de style hollandais, avec jeux de miroirs et chambre au décor aérien, où un escadron de huit beautés accompagnaient son endormissement.
Peu de temps avant son décès, il agrandit le domaine en 1784 en louant à vie des terrains allant jusqu'aux Champs-Elysées. Il y fit construire par l'architecte Pâris l'emblématique Moulin-Joli, achevé en 1786. C'était un véritable moulin, au fût en tour gothique, situé sur une éminence, dont les ailes entraînaient une pompe à eau alimentant des cascades.
Au décès de Beaujon, Pierre-Jacques Bergeret acheta la folie. Le terrain d'assiette du Moulin-Joli n'était toujours qu'en location, et c'est lui qui en obtint la pleine propriété. S'étant défait de Cassan, il se fixa dans ce nouveau domaine, et y accueillit Fragonard vieillissant, dont il était l'ami intime. Le gouvernement prévit de faire du domaine un lieu de promenade public, où aurait été construit un temple à la Liberté. Ce projet, inclus dans un aménagement de l'ensemble des Champs-Elysées, n'eut pas de suite. En 1797, Bergeret revendit la propriété, qui fut démembrée. Les Vanlerbergh se rendirent acquéreurs du pavillon. C'est probablement eux qui ajoutèrent les deux bastions latéraux comprenant des tours rondes (le nom de l'architecte n'est pas connu).
En 1801, les jardins devinrent un parc d'attraction dirigé par l'aîné des Ruggieri (fameux entrepreneurs de feux d'artifices), dont le moulin constituait le fond de décor. On y trouvait les célèbres "montagnes françaises" ou "promenades aériennes" (en langage usuel, des montagnes russes ), ancêtres des grands huit. Le décor faisait largement appel à l'exotisme de l'antique et du médiéval, surajouté à celui déjà mis en jeu dans les fabriques.
Dans sa vie tumultueuse d'écrivain, Honoré de Balzac changea bien souvent de domicile . Poursuivi par ses créanciers, il s'était réfugié à Passy en 1840 sous un nom d'emprunt, dans une maison à double entrée qui lui permettait de s'échapper par la porte dérobée. Cherchant une demeure plus digne de Mme Hanska, il acheta en 1846 sur les deniers de celle-ci les restes délabrés des dépendances de la chartreuse Beaujon, et entreprit de les rénover. Ce qu'on appelle la chartreuse de Balzac n'est donc pas exactement la continuation de la chartreuse Beaujon. Le couple ne s'y installa que quelques mois avant la fin du grand écrivain, qui y mourut le 18 août 1850. Voir une photographie du bâtiment , rasé vers 1890.
Dans la Comédie Humaine, Balzac cite à près de dix reprises Nicolas Beaujon, en le prenant comme image tutélaire de la plus haute réussite matérielle.
"De Bagatelle à Monceau 1778-1978 , Les Folies du XVIIIème siècle à Paris" édité à l'occasion de l'exposition organisée en 1978 par le Musée Carnavalet dans ses murs et au Domaine de Bagatelle.
"Fragonard et le voyage en Italie 1773-1774 - Les Bergeret, une famille de mécènes", ouvrage collectif édité à l'occasion de l'exposition de 2001, ISBN 2-85056-470-2. Un chapitre est consacré aux transformations de la Folie-Beaujon après le décès de Beaujon.
André Masson : "Un mécène bordelais, Nicolas Beaujon (1718-1786)". Editions Delmas, Bordeaux. 1937
Vues anciennes
Très exceptionnellement, j'affiche des vues anciennes pour ce parc disparu, puisqu'il est impossible d'en témoigner par des photographies actuelles. Ces vues proviennent du site Gallica de la BNF. Elles y sont signalées libres de droits; pour autant, leur reproduction commerciale ne serait pas possible. Je ne les affiche ici que parce qu'elles sont présentées dans des pages dynamiques vers lesquelles on ne peut pas pointer directement.