Méréville dans cette page : historique les fabriques et leurs créateurs état en 90/2000 rénovation bibliographie, contacts, liens |
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Le financier Jean-Joseph Laborde, d'une famille de commerçants pyrénéens (1), devint immensément riche, d'abord dans le commerce maritime, puis dans la grande finance. Fait marquis, il fut guillotiné sous la Terreur en 1794.
Dans ces pages, vous avez pu voir les possesseurs de parcs qualifiés de fortunés. Laborde l'était encore bien plus (2), il fut en particulier banquier de la cour. Méréville n'est que la dernière de ses propriétés, le magnifique château de la Ferté-Vidame dans l'Eure et celui de Saint-Leu lui appartinrent également. Pour complaire au Roi, il dut contre son inclination vendre la Ferté-Vidame au duc de Penthièvre, qui cédait Rambouillet à Louis XVI, ce dernier voulant le domaine de chasse en dépendant. Laborde acquit Méréville en 1784 pour les potentialités de rénovation; il s'y trouvait un château aménagé en 1768 pour le conseiller du roi Jean Delpech sur les restes d'une forteresse médiévale, entouré de jardins réguliers d'assez modeste extension. Bélanger, architecte de Bagatelle et de la Folie Saint-James, fut chargé de dessiner le nouveau parc. Mais le marquis, trouvant que l'architecte voulait trop imposer ses vues et l'engager dans des dépenses somptuaires, s'en sépara en mai 1786. Le peintre Hubert Robert, spécialiste des ruines, le remplaça (3). À l'inverse de son prédécesseur, il s'entendit très bien avec son commanditaire. Toutefois Hubert Robert, admirateur de Bélanger, eut l'intelligence de ne rien remettre en cause des grandes lignes arrêtées et déjà fort avancées, et Laborde eut la finesse d'admettre de poursuivre dans ce sens.
Le "grand parc" occupe une cuvette grossièrement circulaire aux bords assez raides (particulièrement à l'est), traversée du sud au nord par la Juine. Il s'étend sur 90 hectares, dont 30 où se concentrent les fabriques, le reste en bois et un potager. En hauteur, sur le plateau est, se trouvait une extension, le "petit parc", d'une dizaine d'hectares. Il était séparé du parc principal par une route publique, et communiquait avec lui par le Pont du Milieu.
Au cœur de l'ensemble, la partie plus spécifiquement dédiée aux fabriques exploite les possibilités offertes par la cuvette. La rivière s'y étalait spontanément en bras aux contours mal définis et y avait engendré une tourbière. Cette configuration a permis des perspectives flatteuses mais s'est révélée techniquement très difficile.
Par curage et remblaiement on aménagea des îles entourées de biefs s'élargissant en étangs. La Juine proprement dite décrit à l'ouest un ample coude agrémenté de sinuosités. A l'est une dérivation, la rivière anglaise, anime le paysage, draine les prairies et recueille au passage les eaux de la grande cascade.
D'énormes masses de rocailles furent constituées par l'apport de blocs de rochers cyclopéens liés à la chaux (cet appareil donne plasticité et longévité au conglomérat). Elles vinrent s'appuyer en contrefort aux bords de la cuvette, s'avançant en promontoires et belvédères. Des cavités ménagées dans la masse l'allégeaient et formaient des grottes. Des arches du même appareil joignaient les masses les unes aux autres, créant des ponts enjambant les bras de la rivière ou des sentiers encaissés. Une vingtaine de fabriques furent construites, mises en valeur sur les îles et les promontoires. Des passerelles enjambaient les biefs, une végétation recherchée complétait le décor.
Les moyens pratiquement illimités du marquis de Laborde permirent de conduire les travaux sans relâche (4). Menés avec 400 ouvriers, plusieurs architectes et sculpteurs de renom, ils furent achevés en neuf ans. Ils n'allèrent pas sans mal. Alors qu'il était presque achevé, le Temple de la Piété filiale s'engloutit subitement dans la tourbière, la couche formant le fond ayant cédé brutalement. Les pierres, englouties dans la profonde excavation qui s'était formée, furent récupérées du mieux possible et le temple remonté sur un sol moins exposé, au sommet de la Rampe des roches. Le décor initial de stuc doré fut perdu et remplacé par le marbre blanc actuel. Mézières, sculpteur des parties nobles du temple, dut recommencer une partie des chapiteaux. Par la suite une partie des arches s'effondrèrent (en revanche les massifs tiennent dans l'ensemble). L'arche du Pont de roches, qui subsiste, est nettement surbaissée par rapport au niveau initial visible sur les gravures de l'époque. Un auteur signale dés 1840 un enfoncement de 6 ou 7 pieds (deux mètres). Les grottes flanquant l'arche de chaque côté présentaient deux niveaux superposés. Le niveau inférieur est un mètre et demi sous l'eau, alors qu'il était a priori conçu pour y pénétrer a pied sec. L'enfoncement se serait produit quelques mois après la construction et Laborde aurait saisi ce qui lui semblait une malfaçon pour justifier le renvoi de Bélanger.
Comme il se doit, les plantations jouaient un grand rôle. Particulièrement remarquables, l'île Natalie et son bosquet d'essences variées, dont des tulipiers de Virginie (espèce d'acclimatation récente à l'époque, dont un représentant faisait la gloire du hameau de la Reine); le décor végétal des grandes roches, couronnées de conifères sombres y maintenant une ombre renforçant le caractère dramatique et des plantes rares nichées entre les jaillissements d'eau; le pourtour de la grande rampe, avec des espèces méditerranéennes entourant le temple, des amandiers au pied de l'enrochement et des pervenches faisant un tapis bleu sous le Pont ruiné. Les autres quartiers n'étaient pas négligés, du chemin menant au Cénotaphe de Cook, bordé d'espèces sombres pour tenir le promeneur en attente d'une découverte prenante, ou le pourtour du Grand lac.
Le résultat fut merveilleux. Méréville fut au zénith du genre, disputant au Désert de Retz l'idéal de perfection des parcs à fabriques.
La veuve de Laborde séjourna encore à Méréville au début des années 1800 puis vendit le domaine à un Despagnac, qui vida le château et diminua de moitié les ailes latérales ajoutées pour Laborde. Le comte de Saint-Roman, acquéreur en 1824, redonna au domaine une partie de son lustre, restaurant le château et allant même jusqu'à construire de nouvelles fabriques, dites de la Basse-cour suisse. Mais la propriété était trop lourde pour les acquéreurs ultérieurs. Au mieux elle fut négligée, au pire exploitée et dépecée : arbres abattus pour la vente du bois et remplacés par des peupleraies de rapport, vente des fabriques en 1896. Plusieurs furent vendues pour les matériaux, en particulier l'acajou. Heureusement les plus significatives échappèrent à cette fin lamentable et furent achetées pour décorer le parc de Jeurre.
Grand parc :
Basse-cour suisse, Colombier, deux glacières, Maison du jardinier, Moulin, Pavillon, soubassement de la Laiterie,
Grandes Roches, Grottes des Demoiselles, grotte au nord de l'ancienne Laiterie, grottes sous l'ancien Temple de la Piété filiale,
Pont d'acajou, Pont des Boules d'or, Pont cintré, Pont des Roches.
À cheval entre grand et petit parc :
Le pont du chemin
Petit parc :
Colonne Trajane
Parties subsistantes de quatre fabriques : Fort (1, rue Raymond-Poincaré), Écuries anglaises (3, rue Raymond-Poincaré), Petit château (1, rue de Laborde), fausse chapelle (rue de Saint-Cyr).
Au sud du pont sur la Juine :
Le lavoir
Quatre fabriques transportées à Jeurre :
La façade avant de la Laiterie, le Temple de la Piété filiale, la Colonne rostrale (5), le Cénotaphe de Cook.
(M. de Saint-Léon s'était bien servi, ces quatre fabriques sont de loin plus précieuses que ce qui reste sur place)
Ne font pas partie de cette liste de quelques fabriques de moindre importance : la Fontaine au mufle de lion (transportée à Jeurre), la Grotte de l'orage, divers bancs, et des ponts de moindre intérêt : le Pont d'architecture, le pont de pierre ...
Éléments principaux C : château
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(lettres noires) Ck : cénotaphe de Cook
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Les fabriques ou leurs emplacements : repères rouges - Les enrochements sont en marron
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François-Joseph Bélanger (architecte) : première phase de réalisation, conception générale des enrochements, Pont de roches.
Hubert Robert (peintre) : ensemble des bosquets, implantation des fabriques, Laiterie. A peint de nombreux tableaux du parc.
Augustin Pajou (sculpteur) : buste du capitaine Cook, statue de Natalie de Laborde ayant orné initialement le Temple de la Piété filiale (6).
Mézières (sculpteur) : Temple de la Piété filiale
Hermand (stucateur) : caissons de la coupole du Temple de la Piété filiale
J. André (maître d'œuvre) : colonne Trajane, sur des esquisses d'Hubert Robert
Claude-Joseph Vernet et Greuze (peintres) ont également participé à la décoration et peint Méréville.
corps techniques et maîtres artisans : Loiseau (jardinier), Dufossé (architecte hydraulicien), Carbillet (menuisier), Leleu (ébéniste).
Cette liste ne regroupe que les principaux contributeurs.
En 1990 un groupe japonais acheta le domaine pour y réaliser un golf. Ce projet fut abandonné, et F. d'Ormesson, fortuitement concerné à titre professionnel par cette affaire, prit courageusement en charge la sauvegarde du site. Il a créé dans ce but l'AJRM, association de la loi de 1901 "les amis du jardin XVIIIème d'Hubert Robert à Méréville". Le Conseil général de l'Essonne s'était engagé en 1998 sur le principe d'acquérir le domaine pour le réhabiliter. Après un changement de majorité la décision d'achat fut différée jusqu'au début septembre 2000. Le parc de Méréville est donc sauvé, après une période d'incertitude où l'inquiétude sur son avenir gagnait.
Grâce à l'initiative de F. d'Ormesson, le parc a été éclairci, et a été depuis visitable à certaines périodes. S'il subsiste des restes de la majorité des fabriques, la plupart sont malheureusement très dégradées et les plus précieuses sont à Jeurre. La seule véritablement conservée est la "colonne Trajane" de 37 mètres de haut, construite en 1790 - 1791 dans le petit parc. Cette partie détachée du parc principal a été lotie. La colonne, propriété de la commune, se trouve au centre d'un carrefour. On peut l'approcher en permanence, consolation très partielle à la banalisation de son emplacement. Plusieurs bâtiments indiqués ci-dessus sont visibles dans le petit parc; quoique considérés comme fabriques ils n'ont pas de raffinement ou d'originalité qui les distingue particulièrement.
Dans le grand parc, les rocailles, encore en place pour la plupart, offrent un réseau de grottes, arches, cavités qui permettent d'apprécier l'ampleur des aménagements et de retrouver, au moins en partie, certaines perspectives spectaculaires. Les plantations de rapport qui ont remplacé les arbres remarquables abattus à la fin du XIXème siècle pour le commerce du bois ont périclité. Quoique substantiellement dégagées, elles restent touffues et sans lustre. Les passerelles subsistantes sont l'ombre de leur magnificence, en particulier le Pont des Boules d'or et le Pont d'acajou. La massive saillie du pont de roches au dessus de la Juine, avec la vue en échappée sur le château, offre sans doute la perspective la plus proche de l'époque.
La façade de la Laiterie, le Temple de la Piété filiale, la Colonne rostrale, le Cénotaphe de Cook et (pièce de moindre importance) la Fontaine au mufle de lion ont été démontés et transportés à la fin du XIXème siècle au château de Jeurre, distant de vingt cinq kilomètres.
En l'état Méréville garde un charme, mélange de douceur, de grandeur et de nostalgie, que ressent tout visiteur de passage. L'empreinte du sublime y subsiste, fil ténu qui demande, pour être saisi, que l'on se soit pénétré du passé.
Mise à jour : après le rachat du domaine en 2000, le Conseil Départemental a entrepris une restauration profonde. Le site a été classé aux monuments historiques en 2018 (inscrit au titre des sites) et labellisé jardin remarquable. Il a rouvert au public en 2018.
Des étapes de restauration sont régulièrement franchies. La plus récente : rénovation du Pont des Boules d'or , inauguré le 3 juin 2023.
Parc de Méréville
entrée piétons par la rue Voltaire
91660 - Le Mérévillois (nouveau nom de Méréville)
01 64 95 72 76
domainedemereville@cd-essonne.fr
Domaine ouvert gratuitement au public :
Du 1er week-end d'avril au dernier week-end d'octobre :
Mercredis, samedis, dimanches et jours fériés
de 10 h à 18 h en avril, mai, septembre et octobre
de 10 h à 20 h en juin, juillet et août
Dernière admission 1 h avant l'horaire de fermeture
Visite guidée le dimanche à 15h ou possibilité de visite en semaine pour les groupes : informations et réservations au 01 64 94 99 10
Visites sur rendez-vous gratuites pour les groupes scolaires et les associations de jardins.
renseignements : 01 64 95 72 76
Ouverture et visites guidées gratuites lors des Journées du patrimoine et des Rendez-Vous aux jardins.
Également, la CAESE organise des visites payantes, renseignements à l' Office de Tourisme de Méréville Tél. : 01 64 95 18 00
Carte IGN au 1/25000 ème série bleue n°2217E Méréville - 13,4 €
Pas de gare à Méréville - une voie de vélorail permet de rejoindre Méréville depuis Étampes.
En voiture, depuis Paris : autoroute A10 direction Orléans; sortie Allainville, puis une vingtaine de km.
Prendre une carte, l'itinéraire n'est pas évident, les panneaux indicateurs sont abscons et les passants, rares. Autre itinéraire : N20 jusqu'à Étampes (rester sur la voie rapide et dépasser la ville, puis sortir à l'échangeur sud), ensuite 16 km jusqu'à Méréville par la D49.
Nota : en 2019, Méréville a fusionné avec une commune voisine et l'ensemble s'appelle Le Mérévillois
Notes- 1 - Les Laborde venaient de la vallée d'Ossau dans les Pyrénées atlantiques. Jean-Joseph naquit à Jaca, en Espagne. Son oncle était installé à Bayonne, il y fut envoyé à 10 ans et y fit un dur apprentissage. La famille est qualifiée de "modeste" dans les ouvrages consacrés à Méréville. Je la crois plutôt de moyenne bourgeoisie, car engagée dans le commerce avec les colonies et l'orient, ce qui n'était pas affaire du menu peuple. - 2 - Laborde était le plus fortuné, et Baudard de Sainte-James le premier après lui. J'estime grossièrement l'encours des engagements de Laborde à 120 millions de livres et ceux de Baudard de Sainte-James à 70 millions. Leurs fortunes respectives pourraient être de 30 et 20 millions de livres. Monville atteignait peut-être 6 à 8 millions.