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La Garenne-Lemot " ET IN ARCADIA EGO " historique le parc vues liens, ouvrages à consulter |
La Garenne-Lemot est à cheval sur Clisson et Gétigné dans le département de la Loire Atlantique, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Nantes. Le terrain où se dresse l'obélisque est situé à Cugand en Vendée.
La Garenne-Lemot ne peut pas se comprendre sans connaître l'état de dévastation de Clisson à l'issue des guerres de Vendée. Le domaine n'aurait sans doute pas même existé sans ces événements tragiques. Or donc, la ville de Clisson était en 1797 totalement ruinée, ses bâtiments incendiés et ses habitants décimés ou enfuis; une petite moitié de la population initiale survivait aux alentours dans des baraques en bois. Les frères Cacault, nantais de la bourgeoisie montante et amateurs d'art, projetèrent de redévelopper Clisson en mettant en synergie art et reconstruction. Ils créèrent une école de peinture sur un des coteaux (le bâtiment fut détruit dans la deuxième partie du 19ème), et initièrent l'usage d'un style italianisant pour la reconstruction, donnant l'occasion à des artistes et architectes de voir et mettre en œuvre ces éléments (1).
Le sculpteur François-Frédéric Lemot (1771-1827), grand prix de Rome (2), en rapport avec les Cacault, vint à Clisson pour ce cénacle artistique et fut extrêmement séduit par les lieux. Dès son premier séjour de 1805 il ébaucha son projet d'un domaine orné et acheta à cette fin la Garenne, ancienne réserve de chasse des seigneurs de Clisson. Il poursuivit jusqu'à sa mort en 1827 l'aménagement des lieux, comprenant une résidence de maître, dite "Villa Lemot", entourée d'un parc à l'anglaise exploitant les abrupts du vallon où coule la Sèvre et les vues sur Clisson. Lemot donna à son parc deux orientations. En premier lieu, parc italianisant par la reproduction de l'antique et de la campagne romaine, avec les pavillons d'habitation et les plantations d'espèces méditerranéennes (en particulier des pins majestueux). En second lieu, parc à fabriques philosophique. Lemot menait une carrière d'artiste officiel à Paris et ne résidait que l'été à Clisson. Il s'appuya sur son ami l'architecte nantais Mathurin Crucy (3) et sur le régisseur clissonnais Gautret.
L'ensemble est donc tardif, et un peu décalé par rapport aux parcs à fabriques classiques. Le domaine de La Garenne ne peut être donc être assimilé à ces derniers mais les fabriques sont parfaitement dans l'esprit d'Ermenonville, prototype du parc philosophique. Le "rocher de Jean-Jacques Rousseau" et le "rocher Delille" (où est gravée la fameuse phrase un peu pompeuse de l'abbé Delille "sa masse indestructible a fatigué le temps" (4)) affirment l'inspiration de Lemot. Le rapprochement s'impose, comme le soulignent les présentations du parc.
Bien qu'ayant pu aménager un domaine incomparablement plus ambitieux que ce qu'une personne aisée pourrait envisager aujourd'hui, Lemot n'était pas fortuné comme les maîtres des parcs à fabriques décrits par ailleurs dans le présent site. Lemot réunissait les moyens au fur et à mesure de son ascension dans sa carrière, qu'il a bien été contraint de toujours privilégier (5). Son attention à disposer des ressources nécessaires se manifestait également par des investissements réguliers dans des métairies de la région de Clisson, pour lesquels il bénéficiait des conseils du régisseur Gautret. C'est pourquoi il étala sur vingt ans l'aménagement du parc et probablement pour la même raison qu'il ne réalisa qu'à la fin la villa, bâtiment le plus coûteux. La relative limitation de moyens est fortement marquée dans les fabriques, toutes de facture simple. Que l'on compare le temple de Vesta avec celui du Petit Trianon ou celui de Méréville ! Cette modestie est un autre facteur de rapprochement avec Ermenonville.
Les descendants de Lemot, et en premier lieu son fils Barthélémy, ont procédé à de nombreux remaniements au 19ème siècle, qui ont principalement porté sur l'espace précédant la villa mais très peu sur le vallon consacré aux fabriques. Le domaine est resté dans la famille jusqu'au rachat par le Conseil Général de Loire-Atlantique en 1968.
Le parc
La Sèvre a creusé dans le plateau un profond vallon, aux amples sinuosités ombreuses, presque des gorges, au fond duquel elle coule, douce et large, barrée de seuils de moulins. Les pentes sont escarpées et laissent apparaître des chaos d'énormes rochers. Le site est réellement exceptionnel et bien peu de créateurs de parcs à fabriques, dans toute l'Europe, ont pu s'appuyer sur un tel atout. Vlasim, Ermenonville, les Leasowes, me viennent à l'esprit. Toutefois, le plateau est dépourvu de cours d'eau, empêchant de créer des cascades.
Le fond du vallon fut aplani, pour border la rivière de prairies, heureux contrepoints aux escarpements. Peu d'autres travaux pour le terrain. Les autres composantes sont le planté et le bâti; ce dernier est organisé en quatre séries : la villa, les maisons à l'italienne (dont les moulins), les statues et les fabriques.
Les fabriques, au nombre d'une douzaine, sont situées sur les bords de la Sèvre et sur leurs escarpements :
S'ajoutent les ruines du château médiéval de Clisson. Leur présence, atout supplémentaire pour le site, n'est pas un hasard. Pittoresques au plus haut point, Lemot les avait rachetées, remises en valeur, et en avait fait une fabrique à part entière du domaine, un peu comme la tour de la Belle Gabrielle à Ermenonville, l'église gothique au Désert de Retz ou Fountains Abbey (elles aussi ruines authentiques).
Les pavillons italianisants comprennent la maison du jardinier, celle du portier, et des moulins à eau en bord de rivière. Quatre statues antiques s'entremêlaient au parcours des fabriques de la rive droite. La Cérès a été replacée dans l'axe de la villa. Les trois autres (le sénateur, Esculape et une statue féminine) sont absentes pour restauration; remises en place sur leur piédestal, elles pourraient changer sensiblement la perception des fabriques.
Les fabriques et pavillons sont des œuvres de Crucy. Vers 1820, l'architecte parisien Van Cleemputte prit le relais de Crucy pour finaliser la villa, qui ne fut achevée qu'en 1825. Lemot et Crucy avaient projeté de nombreuses esquisses de principe successives de la villa. Gautret, à l'esprit fin mais carré, se plaignait d'ailleurs de la multiplication de variantes de Lemot pour les nombreux détails d'aménagement qui lui étaient confiés.
La plupart des fabriques sont parfaitement conservées ou restaurées, à l'exception de la cabane de rondins disparue. L'emplacement de la grotte d'Ossian reste hypothétique. Ce pourrait être le "dolmen" de la Grenotière, plus en amont sur la Sèvre, à moins qu'elle se soit effondrée ou, mal repérée, banalisée parmi les autres anfractuosités des chaos. Malgré la reprise de l'entretien du parc les plantations ne sont pas au mieux. Elles sont frappées par l'âge et ont trop prospéré, bouchant des vues. Beaucoup d'arbres majestueux sont sénescents ou ont disparu, en particulier les pins, amoindrissant le caractère italianisant. Les tempêtes de décembre 1999 et de l'été 2000 ont accéléré la disparition d'arbres remarquables, et surtout l'admirable grand pin incliné devant la villa, ainsi que les marronniers du rond-point, devant la maison du jardinier.
Vues du parc
Bord de Sèvre (avec le montoir (6) et la borne) - Borne milliaire |
La borne milliaire voulait marquer le tracé supposé d'une voie romaine. Il n'est que de voir sur place la topographie des lieux pour comprendre qu'il n'en passait pas là. La boule supérieure était perdue, elle a été restaurée.
La colonne de Madrid proviendrait du château de Madrid, ancienne résidence royale à la limite du Bois de Boulogne, contigu de Bagatelle. Assez vétuste, il a été vendu comme bien national en 1794 et abattu pour la vente des matériaux.
Il est admis que le tombeau portait la phrase "Et in Arcadia ego" inspirée du tableau du Poussin "les bergers d'Arcadie" (7). Mais Lemot avait eu des déboires avec la gravure des inscriptions et il se serait contenté de faire peindre celle-ci, qui a disparu.
On retrouve une grande similitude de forme avec le tombeau de Jean-Jacques Rousseau sur l'île des Peupliers, dans une exécution beaucoup plus simple.
Lemot avait laissé le moulin "dans son jus". Au cours du 19ème siècle, il a été reconstruit puis augmenté dans l'esprit italien, tel que nous le voyons.
Il abrite une base de canoë-kayak, dans le cadre de l'aménagement de la rive gauche de la Sèvre en lieu d'accueil et de promenade du public.
Sur la vue de droite (agrandie), on voit à l'arrière plan, au dessus du moulin, le sommet de l'obélisque.
La phrase de l'abbé Delille avait été gravée en premier lieu sur un rocher de Mortefontaine (4 bis).
La poésie du Rocher Rousseau est adaptée d'un texte qui était gravé dans la grotte de la fontaine d'Ermenonville (8).
Les rochers Rousseau et Delille, la grotte d'Héloïse et la cabane de rondin disparue sont groupés dans la même zone, la section aval de la berge droite de la Sèvre.
A l'époque de Lemot le potager était une pépinière. Il y faisait veiller à l'acclimatation d'espèces méditerranéennes, indispensable à l'aspect méridional du parc.
La colonnade a été ajoutée par Barthélémy. Lemot avait prévu une simple plantation de marronniers. Jusqu'à ces dernières années un superbe pin parasol incliné se tenait sur la droite, procurant une accroche visuelle exceptionnelle.
Le temple de l'Amitié se trouve dans le cimetière de Clisson. C'est une ancienne chapelle funéraire que Lemot avait acquise. Il fit ajouter sur l'arrière le portique dorique. C'est cette face qui est visible de la villa. L'adjonction du portique donne une perception très convaincante, antique et pure. En revanche, en se rendant dans le cimetière, on voit le bâtiment par le côté. Sa perception est totalement différente et bien décevante car il est déséquilibré par l'adjonction du portique. Lemot y est inhumé, les frères Cacault auraient du l'être. Le temple célèbre l'amitié qui transcende la mort.
La colonne Henri IV se trouve aujourd'hui au bout d'une allée sans grâce et, vue de son pied, paraît elle aussi décevante. Mais elle est avant tout destinée à procurer une perspective depuis la terrasse de la villa. Les vues nécessaires ayant été préservées lors de l'urbanisation, la colonne pourrait tout à fait jouer son rôle à condition de la dégager davantage de la verdure. Il en est de même pour l'obélisque.
Lemot chercha à convaincre ses amis artistes de suivre son exemple et de s'établir à Clisson. Valentin fut le seul à aller jusqu'au bout. Il acheta un ancien couvent et fit quelques transformations, en particulier le portique à l'antique. La Garenne-Valentin est visible de la villa Lemot et renforçait le caractère de son environnement.
Liens, ouvrages à consulter, contacts
Domaine Départemental de La Garenne Lemot
44 190 Gétigné Clisson tél. : 33 (0)2 40 54 75 85
Les heures d'ouverture
et le plan d'accès , sont sur le site du Conseil Général.
Visites guidées : voir la page horaires. Chaque été, exposition thématique dans la villa.
Pour le parc : visite libre et gratuite.
Demander à l'accueil (maison du jardinier) le dépliant avec le plan du parc. Dans une autre aile : exposition permanente en libre accès sur l'histoire de la villa.
Vaste parking automobile gratuit dans le domaine. Les grilles du parc sont fermées à 20 heures.
Le temple de l'Amitié et la colonne Henri IV sont sur l'autre rive. Prévoir une visite séparée en reprenant sa voiture. Se diriger vers Cugand et se garer à proximité du cimetière. L'obélisque n'est pas accessible.
Ouvrages à consulter :
Sites :
Notes1 La présentation que vous lisez est orientée vers les fabriques, le reste n'est qu'esquissé en tant qu'environnement. Toutefois ces autres aspects du domaine sont prépondérants. D'ailleurs l'italianisme de Clisson et sa région déborde largement le cadre de La Garenne-Lemot.
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C'est à juste titre le sens indiqué dans les Cahiers de l'Inventaire n°21 cité en bibliographie.
Mais le sens est fort discuté .
Si vous faites une recherche Google, attendez-vous à être noyé sous les spéculations des amateurs de fantastique.
C'est la transcription de l'inscription d'Ermenonville donnée par la "Promenade ou itinéraire des jardins d'Ermenonville", au premier vers près, adapté au contexte d'une rivière à Clisson au lieu d'une fontaine à Ermenonville. Le premier vers y est :
La transcription de Thiébaud de Berneaud est quelque peu différente :