Kroměříž
Josef Fischer : le temple d' O'Tahiti à Kroměříž vers 1800 (1)
Il peut sembler présomptueux de présenter un parc inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO . J'avais, dans un premier temps, exclu de le faire, tout en ayant constaté que ce sont surtout les somptueux éléments baroques qui sont mis en avant dans le classement et, par conséquent, dans les descriptions que l'on peut lire. De fait, on ne trouve que difficilement de l'information sur la partie anglo-chinoise et romantique des jardins et, en tout cas, pratiquement rien en français. D'où la présente page.
Histoire
Possession dès 1110 des évêques (puis archevêques) d'Olomouc (2), Kroměříž devint une ville au XIIIe siècle et fut dotée d'un château gothique. Au début du XVIe siècle, les évêques y installèrent leur administration et construisirent un palais Renaissance. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, après les troubles de la Guerre de Trente ans, l'évêque Karl von Liechtenstein-Castelcorno entama la reconstruction et l'extension du palais et l'aménagement de deux jardins ornementaux : le jardin du Plaisir et le jardin du Château.
Le jardin anglo-chinois
Vient la période capitale pour notre sujet, la création d'un jardin anglo-chinois. En 1777 Olomouc fut élevé au statut d'archevêché, avec Anton Theodor de Colloredo-Waldsee comme premier archevêque. Celui-ci lança une refonte originale du jardin du Château, qui s'étala de 1791 à 1800.
Le jardin du Château, Podzámecká zahrada, comprenait principalement un parterre rococo au plan régulier (c'est à dire aux formes géométriques) au pied du palais des archevêques, se terminant sur un canal rectiligne qui le longeait. Des bosquets occupaient l'espace sur la droite du parterre ainsi que celui s'étendant au-delà du canal, jusqu'au bord du bief du moulin (der Mühler graben) qui traverse le parc pour se jeter dans la Morave.
On maintint le parterre rococo et on aménagea le nouveau jardin anglo-chinois sur les bosquets, en élargissant quelque peu le canal et en creusant une pièce d'eau rectangulaire en retour, où trouva place l'abri des gondoles. Le jardin s'étendait jusqu'au bief du moulin; il fut orné de diverses fabriques aux styles grec, chinois, hollandais et autres. Voir l'article Wikipedia . Mais la plupart de ces aménagements furent remaniés aux périodes suivantes, ils ont disparu et ne nous sont connus que par les plans et gravures d'époque. En reste le temple de l'Amitié, dans un emplacement rendu moins remarquable et la Ruine gothique. Le Parapluie a été déplacé et reconstruit.
Le jardin romantique
Passé le premier tiers du 19e siècle, les fabriques exubérantes ne furent plus de mode. Le nouvel archevêque Ferdinand Maria Chotek chargea l'architecte Antonin Arche (3) de remanier radicalement le jardin anglo-chinois pour le transformer en jardin romantique inspiré des œuvres du paysagiste allemand le prince Hermann von Pückler-Muskau. Les formes rectilignes conservées dans le jardin anglo-chinois furent bousculées, le canal et la pièce d'eau géométrique de l'abri des gondoles furent comblés et, en sens inverse, les abords excavés pour aboutir à ce qu'on appelle aujourd'hui l'étang de Chotek (on note toutefois que l'Étang long fut conservé). Le parterre rococo fut supprimé et devint la pelouse qui s'étend du pied du palais à l'étang de Chotek. En outre, le parc fut étendu au-delà du bief du moulin, sur une zone qui n'était auparavant qu'une prairie marécageuse. Il prit ainsi l'ampleur que nous connaissons aujourd'hui.
Ferdinand Chotek mourut prématurément du choléra à Prague en 1836, avant l'achèvement de son projet. Mais son successeur Maximilian Joseph Sommerau-Beckh le poursuivit, en faisant toutefois ajouter des fabriques néo-classiques dans le style qu'affectionnait Arche.
Dans la seconde moitié du 19e siècle, quelques modifications furent opérées, avec des compléments : reconstruction de l'entrée principale et construction d'un nouvel escalier monumental menant au jardin, construction d'un nouveau pavillon chinois. Par ailleurs, on érigea un belvédère en bois et d'autres éléments décoratifs (tente tartare, tente gitane), qui ne durèrent pas.
Le parc, bien conservé, est parvenu jusqu'à nous proche de son état de la fin du XIX° siècle. C'est un beau jardin anglais tardif que nous voyons, sans presque de marque de la période anglo-chinoise : aussi me suis-je attaché à mettre l'accent sur ce passé fugace.
Plan du parc
Fabriques du XIXe siècle (numéros rouge)
Autres éléments (lettres rouge)
Quelques vues actuelles
Vignettes de photographies de Wikimedia Commons sous licence Creative Commons . L'attribution est indiquée sous chacune d'elles. En cliquant sur les images, vous ouvrirez dans une nouvelle fenêtre la page Wikimedia Commons où figure la vue agrandie.
C'est un des rares restes du jardin anglo-chinois de 1791 /1800 voulu par Anton Theodor Colloredo-Waldsee; il se trouvait sur une île, fusionnée avec la rive lors des remaniements ultérieurs.
Ce pavillon chinois est tardif, il date de 1880. Il se dresse sur une île formée pour l'accueillir dans le "lac sauvage" qu'on avait excavé après 1840.
Une autre structure chinoise en bois à cheval sur un canal, la Maison du mandarin, avait été construite vers 1840 mais ne tint pas plus d'une trentaine d'années (4).
Le parapluie ci-dessus est du 19° siècle. Auparavant, il était au sommet d'une butte non loin de la Morave; un labyrinthe en spirale s'enroulait sur les flancs de cette butte,
disposition classique que l'on retrouve par exemple à Bagatelle (disparu) et au belvédère de Verniquet.
La forme en champignon est un peu déconcertante. Le parapluie du parc Sofiyiviski à Ouman est analogue.
Par opposition, la forme en ombrelle que l'on imagine plus volontiers s'observe dans le parasol chinois de Monrepos (disparu).
la colonnade de Pompéi (ou de Maximilien) - Pompejská (Maxmiliánova) kolonáda |
La colonnade a été construite vers 1840 par Antonin Arche sous la commande de l'archevêque Maximilien Sommerau-Beeckh, d'où son nom.
Construite vers 1800, c'est le second reste du jardin anglo-chinois; c'est bien entendu une fausse ruine. On voit ci-dessus l'arche; une épaisse muraille en retour, qui n'est pas visible sur cette photo, complète cette fabrique. Elle a été quelque peu dégradée depuis sa construction.
Le pont d'argent date des années 1840, c'est une œuvre d'Anton Arche. |
Je n'ai pas trouvé d'information sur l'origine du Treillage. C'est probablement une décoration de la seconde partie du 19e siècle, peut-être contemporaine du balcon de fer forgé ajouté en 1860 au pavillon de pêche (voir ci-dessous). Le nom tchèque veut dire "treillage rose". Comme on l'aperçoit sur la vue, le Treillage fait face au pont d'Argent, dans son axe. En franchissant le pont depuis l'autre rive, l'ensemble est du plus bel effet . |
Le pavillon de pêche date de la poursuite de l'aménagement en jardin romantique., il a été construit en 1839 et modifié en 1860, avec en particulier l'ajout d'un balcon en fer forgé du côté de la pièce d'eau.
Vues anciennes
Ces aquarelles sont de Josef Fischer. Il en réalisa toute une série, dont certaines fournirent la matière d'un recueil de gravures : "Die fürstlichen Gärten zu Kremsier, beschrieben von einem Freunde der verschönerten Natur." publié à Olomouc en 1802, pour l'inauguration du jardin. Malheureusement, on n'en trouve pas pour l'instant de version numérisée. Voici donc des captures furtives :
Les deux premières proviennent de la plaquette sur le jardin (.pdf).
|
À l'époque de ces parcs, on s'empressait de faire voguer des canots, pirogues ou gondoles sur le réseau de canaux, dès qu'ils avaient quelque ampleur. Par exemple, en France, à Chantilly et à Saint-Leu. Dans ces deux parcs, l'abri des pirogues a valeur de fabrique, comme le Schiff-schuppen de Carlsruhe (Silésie) ou le canal souterrain du parc Sofiyivski (l'Achéron) à Ouman. La somptueuse gondole du Triton de Pillnitz était antérieure au jardin anglo-chinois; elle voguait sur l'Elbe. |
On constate que le temple est représenté sur une île. La forme du bassin a dû évoluer, puisqu'il est aujourd'hui sur une pelouse (voir ci-dessus). |
Les deux suivantes proviennent de l'étude (.pdf) de Kateřina Mertenová. Elles nous montrent des fabriques disparues.
|
Une chaumière avec un clocheton : c'est ainsi que l'on se représentait une maison d'ermite dans les pays germaniques et l'Europe centrale. On retrouve par exemple ce modèle à Arlesheim et Brzeg Dolny. |
Ce pavillon chinois sur une butte n'est pas celui que l'on voit ci-dessus. On remarque à sa gauche un jeu de balançoire. |
Visites
Liens
Articles, ouvrages, recherches
droits réservés de l'auteur : Dominique Césari (texte) - crédits des illustrations dans la page
page créée en juin 2018 - dernière mise à jour: 14 février 2020