Ce parc, ayant perdu l'essentiel de son lustre, ne suscite guère l'intérêt des historiens du paysage. Mais on y trouve toujours deux fabriques, qui ont motivé la présente page,
en particulier l'exceptionnel Temple de la Nuit. Faute de matière, la page ne peut être que bien sommaire.
Historique
Klamovka (2) est à deux kilomètres à l'ouest du centre de Prague, en rive gauche de la Vltava. Jusqu'à la moitié du 18° siècle, ce voisinage était une zone agricole.
En 1757, les Clam-Gallas (3) y achetèrent la ferme d'Okrouhlík pour la transformer en une petite résidence d'été facilement accessible depuis la ville, afin de s'en éloigner aisément quand ils le désiraient, leurs principales possessions étant assez éloignées.
Ils y construisirent donc un pavillon; à la génération suivante, le comte Kristián Kryštof Clam-Gallas
(1771-1838) le fit aménager en jardin anglais, orné de statues et de petites constructions dans l'esprit du temps.
La plupart ont disparu. Il reste l'ermitage, de 1820, à façades néo-gothiques et un temple de la Nuit de 1790, rond, avec un dôme et une façade décorée, à colonnes engagées. On trouve encore les serres de style Empire.
On a remis en place un piédestal orné d'une tête de cheval (4).
Le parc a été ouvert au public au début du 19° siècle (ce qui fut fréquemment le cas pour monter un esprit tolérant). Le pavillon a été détruit au cours du 19° siècle.
En 1897, le domaine fut vendu à un entrepreneur qui y construisit un bâtiment pour abriter un restaurant; celui-ci qui fonctionne toujours.
Le mur d'enceinte a été abattu et le parc, préservé dans son étendue, est devenu un jardin public fréquenté par le voisinage.
quelques vues actuelles
Vignettes de photographies de Wikimedia Commons
sous licence Creative Commons .
L'attribution est indiquée sous chacune d'elles. En cliquant sur les images, vous ouvrirez dans une nouvelle fenêtre la page Wikimedia Commons où figure la vue agrandie.
L'ermitage
photo Aktron
photo JJSuchy
l'ermitage - Novogotický altán
l'ermitage et le temple de la Nuit
L'ermitage date de 1820. Sa façade néo-gothique est du même style que celle de l'ermitage de Cibulka.
Le Temple de la Nuit
Il date de 1790. Il servait de temple maçonnique : le comte de Clam-Gallas était vraisemblablement franc-maçon (5).
photo Šjů
photo Šjů
le temple de la Nuit - Chrámek noci
Sur la vue de droite on remarque la grotte au niveau inférieur. Il s'agit probablement de la mise en scène du cabinet de réflexion : l'impétrant y attendait, puis était conduit les yeux bandés au niveau supérieur, probablement par un escalier intérieur dont je suppute l'existence.
La suite de l'initiation s'y déroule : les yeux toujours bandés, le candidat subit l'interrogatoire et l'épreuve. Il est alors admis : on lui retire le bandeau et il retrouve la lumière, dans un cadre suggérant le monde nouveau auquel il naît.
La décoration du niveau supérieur est étonnante : la voûte du dôme est peinte d'un ciel nocturne, de multiples ouvertures circulaires dans le toit laissent passer la lumière (certaines, de fort diamètre, restituent le Soleil et les planètes).
L'effet est celui d'un planétarium en plus artistique; évidemment cet effet n'est créé que de jour ou, éventuellement, par pleine Lune (ou peut-être, de nuit, grâce à des flambeaux ou chandelles disposés à l'extérieur).
L'ensemble est à rapprocher du symbole du manteau cosmique.
photo Šjů (détail)
détail du dôme
On remarque les ouvertures circulaires dans le toit. La plus grande, derrière le vase sur piédouche, projette un large cercle représentant probablement la pleine Lune car elle est au couchant (6).
Le temple est familièrement appelé "Nebíčko" (la traduction n'est pas très claire, peut-être "le ciel"). On remarque, sur la carte postale ci-dessus reproduisant une aquarelle de 1910, qu'une statue surmontait le lanternon.
Autres éléments
photo Šjů
la serre - Rokokový skleník
Détails pratiques
tramway ligne 4, 9, 10 et 16, arrêt parc Klamovka.
Barbora Laštoková - Jirí Kotákto , Pražské usedlosti, Prague 2001 - pages 142 à 144 - ISBN 80-7277-057-8
Publications de recherche
sous la direction de Milan Svoboda :
Kristián Krýstof hrabe Clam-Gallas - Strucná biografie (tchèque et allemand) - pages 131 et 231 à 232 - 2011 - ISBN 9788073729295 - résumé (.pdf)
droits réservés de l'auteur, Dominique Césari - crédits photographiques (dont licence Creative Commons) mentionnés dans le texte Page créée en mai 2018 - mise à jour le : 14 juin 2018
.
Notes
1Jaroslav Šetelik (1881-1955)
. Peintre paysagiste né à Tábor, installé à Prague où il étudia à l'académie des Beaux-Arts. Il peignit aussi bien de grandes toiles que des aquarelles d'une grande maîtrise,
qui fournirent la matière à l'édition de plusieurs albums et de séries de cartes postales. Il a beaucoup représenté sa ville de Prague mais voyagea également en France, en Italie, en Angleterre et aux
Pays-Bas .
Courte biographie .
retour au (1)
2Klamovka . Klamovka est à la limite de Smíchov et de
Košíře .
Le nom Klamovka fut donné par les Clam-Gallas; il semble avoir été formé sur "Clam" et voudrait alors dire "la propriété des Clam".
retour au (2)
3les Clam-Gallas . C'est une de ces anciennes familles d'illustre noblesse qui composaient l'aristocratie de l'empire Austro-Hongrois. Les Clam, de Carinthie, s'étaient alliés aux Gallas, italiens de Trente. Fondation Clam-Gallas .
Leur rang et leur fortune les conduisait à avoir des palais et châteaux dans diverses régions et, bien sur, à Vienne : palais Clam-Gallas .
retour au (3)
4la statue du cheval Cassel et autres excentricités . La recherche de l'originalité était un trait courant dans ce milieu. À la période classique, le parc abritait une ménagerie avec des ours et des loups.
Le comte Édouard Clam-Gallas (1805-1891), fils du précédent, fit ériger
un piédestal à tête de cheval, dédié à Cassel, sa monture de bataille. C'est celui qui a été ré-installé dans le parc.
. On trouvait aussi curieux monument édifié en 1798; en forme d'oiseau rare du Brésil (certaines sources disent un colibri, d'autres un oiseau de paradis, sauf que ces derniers ne vivent pas en Amérique du Sud). Ce petit monument a disparu.
Je n'en identifie pas bien la commanditaire : certaines sources disent que ce fut pour l'épouse du comte, une autre pour Kristinia Colloredo-Mansfeld; mais je n'ai pas trouvé de renseignements plus précis sur celle-ci, sachant que les Colloredo-Mansfeld avaient un palais à Prague dans un autre quartier.
retour au (4)
5les Clam-Gallas et la franc-maçonnerie . Pendant le règne de Joseph II, la franc-maçonnerie avait librement fleuri dans l'empire Austro-Hongrois; mais elle fut interdite en 1794 par crainte de la propagation des idées révolutionnaires.
Du coup, un certain secret l'entoure à partir de cette date et estompe aussi les faits antérieurs. Dans la Strucná biografie de Christopher Clam-Gallas, Lucie Žáková
estime p. 224 qu'il était certainement franc-maçon (et que la famille en était très proche), tout en rappelant qu'on ne trouve pas de preuve certaine, telle qu'un registre de loge. Mais, dans la même publication collective,
un autre rédacteur voit plutôt dans le comte un sympathisant d'idées. Pour ma part, je ne peux pas imaginer que le commanditaire d'un bâtiment aussi clairement maçonnique puisse ne pas être un initié.
Toutefois, Christopher n'avait que 19 ans en 1790; s'il est à l'origine de la construction, il a nécessairement eu l'aval de son père Kristián Filip.
retour au (5)
6ouvertures au couchant / au levant . On voit dans la photo de la coupole ci-dessus une grande ouverture circulaire au couchant. Elle a son pendant au levant, comme le révèle l'examen de la vue agrandie montrant le côté sur cour. L'une représente la Lune, l'autre le Soleil. Je ne peux pas imaginer que, symboliquement, le Soleil ne soit pas au levant.
Donc, la Lune serait représentée au couchant, ce qui chiffonne un peu du point de vue astronomique car c'est au levant qu'on la voit émerger lors de la pleine Lune, du côté opposé au Soleil venant de se coucher. De toutes façons, on est dans une fiction symbolique puisqu'on ne voit pas simultanément dans le ciel le Soleil et la Lune pleine.
Je serais curieux d'avoir un relevé des petites ouvertures, pour savoir quelles constellations et, éventuellement, planètes, ont été figurées : il doit y avoir tout un développement symbolique dans le choix exercé.