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Les jardins anglais comme les jardins anglo -chinois trouvent bien entendu leur origine en Angleterre.
La mode se propagea aux autres pays européens vers 1750. Ce n'est pas en France qu'elle s'implanta le plus rapidement. En Suède, un parc de pavillons chinois remonte à 1753 et Frédéric II de Prusse construisit en 1754-1757 une maison de thé chinoise à Sanssouci, vingt ans avant la vogue en France, qui s'est amorcée vers 1775 (le pavillon chinois de Lunéville, qui remonte à 1737, n'est pas un exemple d'acclimatation précoce du genre en France. L'initiative de la construction revient à Stanislas Leszczynski, roi déchu de Pologne).
À propos de l'évolution du jardin anglais au jardin anglo-chinois puis au Picturesque, voir la bibliographie générale, en particulier le livre de Tom Turner , consultable en ligne.
Je cite dans cette page les parcs à l'étranger traités en jardins anglo-chinois, c'est à dire ornés de fabriques ou de folies, et quelques parcs qui s'en rapprochent, soit qu'ils précèdent le style, soit qu'ils le suivent. Sauf le Haga (à la lisière nord de Stockholm), je n'ai jamais visité ces parcs situés à l'étranger; il n'y a donc eu longtemps de page spécifique que pour la Suède. Mais le développement de l'information accessible sur internet, en particulier celle des ouvrages anciens et des articles de recherche, m'ont permis de présenter les parcs de plusieurs pays, en les illustrant de photos Wikimedia Commons. À part la Belgique, j'ai porté mon attention sur des pays ou des parcs pour lesquels on ne trouve pas ou peu d'information précise en anglais ni, bien sur, en français.
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Localisation des jardins anglo-chinois et des fabriques
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Les jardins anglais du XVIII° siècle sont innombrables. À lui seul, Lancelot " Capability " Brown en créa plus de deux cents et les Anglais sont conservateurs. Toutefois, la plupart n'ont que peu ou pas de fabriques. Par exemple, Attingham Park , du à Humphrey Repton, ou Berrington Hall , dernière création de " Capability " Brown. On compte donc beaucoup moins de parcs composés pour mettre en scène de nombreuses fabriques, s'apparentant de ce fait au genre anglo-chinois, objet de ce site. Dans la présente page sont, au contraire, dénombrés les parcs de ce style. Entre les deux, se trouvent des parcs ornés de seulement quelques fabriques, comme Blenheim. La distinction entre parcs typiques et parcs au petit nombre de fabriques est commode mais pas signifiante logiquement, comme on le sait depuis Eubulide de Milet
Dans l'ordre d'évolution du genre.
Stowe , archétype du jardin anglais : bien noter que ce n'est pas un jardin anglo-chinois. Je le cite précisément pour mesurer l'évolution. Stowe comporte une trentaine de petites constructions, principalement néoclassiques. Le jardin anglo-chinois se différencie du jardin anglais en ce qu'il fait appel systématiquement (mais pas exclusivement) à des pavillons chinois ou orientalistes, par un paysage compartimenté et des allées qui serpentent (style " Serpentine " du jardin anglais) et par la préciosité du décor bâti aussi bien que végétal. Ces attributs ne sont pas présents à Stowe.
Chiswick : l'intention initiale de Lord Burlington était de créer une villa et des jardins romains, inspirés de la villa d'Hadrien à Tivoli. Avec William Kent, il fit évoluer ceux-ci vers le nouveau style des jardins anglais, avec chemins sinueux, pièces d'eau, cascades et ponts. Il ajouta des fabriques inspirées de l'antiquité classique : temple ionique, le Bagnio, de nombreuses statues à l'antique, un obélisque, un temple païen et une maison rustique mais pas de chinoiseries. Plus tard, William Chambers aménagea une cascade sortant d'une grotte de rocaille (voir l'ancienne liste synthétique du Gardens Trust). Lerouge présenta Chiswick dans son premier cahier, ce qui dénote l'importance du parc à l'époque.
Stourhead : l'autre très grand parc anglais classique. Commencé en 1741 et parachevé jusqu'en 1780, il a la particularité d'avoir été conçu par son propriétaire, Henri Hoare II. Le lac (creusé pour former le paysage), les fabriques édifiées sur ses rives, la perspective avec le pont, atteignent au sublime recherché dans ces compositions. Les fabriques sont dues principalement à l'architecte Henry Flitcroft : temples de Cérès (1744 - dit de Flora), d'Hercule (1754 - dit Panthéon) et d'Apollon en 1765. Sa tour du roi Alfred fut achevée en 1772. Et aussi un obélisque, un pont chinois, une grotte, une chaumière gothique, ermitage, des statues... Quelques unes des fabriques d'origine ont disparu, surtout des structures légères de bois ainsi qu'un petit temple.
Painshill , autre jardin contemporain de Stowe et Stourhead. Le parc avait souffert et sa restauration, lancée en 1981, est bien avancée, ainsi que celle des fabriques : les ruines de l'abbaye, la grotte de cristal, tente turque, temple et tour gothiques. Le temple de Bacchus est en attente de reconstruction.
Rousham , œuvre majeure de William Kent, commencé en 1738. Parc anglais avec des cascades, des cheminements bordés de sièges et plusieurs fabriques dont l' " Eye-catcher ".
Studley Royal , site inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, a une histoire curieuse. John Aislabie, richissime propriétaire, chancelier de l'échiquier, perdit argent et honorabilité dans des spéculations sur le commerce avec les Indes. Aigri, il reporta tout sur son parc. Son fils William poursuivit son œuvre à partir de 1742 et acheta les ruines contiguës de l'abbaye cistercienne de Fountains Abbey. Une douzaine de fabriques (en comptant pour une seule la vallée des ponts), dont deux temples. Jardin anglais baroque plutôt qu'anglo-chinois, mais lieu magique.
Hestercombe (Somerset) : ce parc dont le noyau remonte au 13° siècle a été aménagé vers 1770 sous une forte influence des Leasowes. Complètement abandonné en tant que parc d'agrément, il n'était plus voici une vingtaine d'années qu'un bois de rapport. Son état a été restitué à partir des années 1990 par curage des étangs comblés, reconstitution des parcours, plantations adéquates et plusieurs fabriques également restaurées : l'octogone (tour sur une butte), le banc chinois, l'alcôve gothique, la maison de la sorcière, le temple Arbour (dorique à quatre colonnes toscanes), la maison de la sorcière.
West Wycombe : en tout 21 fabriques dont huit temples : d'Apollon, de la musique (le plus remarquable), etc.. Toutefois ces fabriques ne peuvent rivaliser avec celles des parcs de la plus grande notoriété; elles sont classées au mieux grade II par le National Trust (beaucoup de celles mentionnées pour d'autres parcs sont Grade I). En outre, certaines ont été intégralement reconstruites, ayant été détruites.
Kew Gardens , juste en amont de Chiswick mais en rive droite de la Tamise, archétype du jardin anglo-chinois. On y dénombre une quarantaine de fabriques, en parfait état d'entretien. Parmi cette pléiade, il est difficile d'en citer une plus que d'autres, si ce n'est peut-être la fameuse pagode chinoise due à William Chambers, dont l'œuvre rayonna dans toute l'Europe: Chanteloup, Laeken, Oranienbaum ... en sont inspirés.
Shugborough (Straffordshire) : le parc a été aménagé en deux phases. L'amiral George Anson, qui avait séjourné plusieurs mois à Canton, fit construire en 1747 une pagode chinoise (détruite), le pavillon et le pont chinois qui subsistent. Vers 1760 Thomas Anson, frère de l'amiral, commanda à James Stuart " l'Athénien " des fabriques classiques. Un pont palladien, un temple dorique, le temple des vents, la lanterne de Démosthène, un arc de triomphe, une cascade à colonnade, des ruines et la maison des bergers (Shepherd's Monument, qui comporte un bas relief inspiré des Bergers d'Arcadie de Nicolas Poussin, ayant fait couler beaucoup d'encre ). Ce parc est plus une évolution vers le Picturesque qu'anglo-chinois.
J'ai consacré une page particulière aux Leasowes, créés par le poète William Shenstone, qui ne sont pas exactement un parc à fabriques et encore moins un jardin anglo-chinois, mais plutôt le modèle du jardin romantique. Les Leasowes inspirèrent le marquis de Girardin pour Ermenonville, qui inspira en retour Kilfane.
Dans l'ordre alphabétique.
Blenheim avec un pont qui pourrait ailleurs compter pour une fabrique, des cascades, et le temple de Diane, ajouté par William Chambers.
Castle Howard : le Mausolée, le temple des quatre vents, l'obélisque, des ruines.
Claremont Landscape Garden parc redessiné par William Kent puis LCB. Tour du Belvédère, grotte de rocaille en bord de lac, colline artificielle, et du 19ème, une chaumière octogonale.
Heaton Park est devenu un vaste parc urbain de Manchester, également dessiné vers 1785 par William Emes. On y trouve plusieurs fabriques des années 1800-1807 : un temple à colonnes toscanes, un pavillon au fronton dorique et son ha-ha, la " loge du forgeron " pavillon octogonal à colonnes, une porte monumentale et un tunnel de rocailles. Des aménagements ultérieurs perturbent quelque peu la simplicité initiale.
Prior Park le parc a bénéficié des conseils de LCB mais aussi du poète Arthur Pope, essentiel dans le mouvement artistique et philosophique des jardins de cette époque. Peu de fabriques, mais quelle perspective ! l'enfilade de trois lacs dans un vallon, franchi par le pont palladien et, au sommet de la contre-pente, la demeure au fronton dorique sont à couper le souffle. Également un temple gothique et une arche triple de rocaille (Mrs Allen's Grotto),
Wilton House : son pont palladien de l'architecte Roger Morris (et du propriétaire le 9° comte de Pembroke) a servi de modèle aux suivants, en particulier celui de Stowe.
Wimpole Estate compte une ruine artificielle de 1770, un château gothique convaincant.
Wrest Park (Bedfordshire) : créé au début du XVIII° siècle pour le duc de Kent, comprend un parc anglais et un jardin français. Plusieurs folies ornent le parc : une orangerie, le pavillon de l'archer, l'autel de Mithra ainsi qu'un pavillon et un pont chinois. Il faut enfin mentionner la colonne commémorative à Lancelot " Capability " Brown, au fût bagué.
Les fabriques isolées (follies) sont bien plus nombreuses, des dizaines. Je m'attache au genre chinois.
À Boughton House , " Versailles anglais ", un pavillon chinois de 1745 aux panneaux de cuir vernis est conservé dans l'aile inachevée. ....... Alresford Hall : au bord du lac de sa résidence, le colonel Isaac Rebow fit construire un pavillon chinois dans les années 1760. Il est à demi avancé sur l'eau et servait à la pêche. Le pavillon serait conservé avec soin par les descendants du général, qui résident toujours là. Le pavillon a une notoriété particulière, en raison de la peinture et des dessins dits des " Quarters " qu'en a laissés John Constable, invité en 1816 par le général Francis Slater-Rebow, gendre du colonel.
On trouve d'autre part un bon nombre de pavillons chinois ou japonais d'époque victorienne ou postérieurs, qui n'entrent pas dans le sujet. Sans parler des vertigineux Alton Towers (remarquable pagode chinoise, mais transformé en parc à thème) et Woburn Abbey (avec un safari-park - toutefois désormais séparé). Dans cette veine, je vous signale la possibilité de commander un Lusthus pavilion dans la tradition anglo-chinoise suédoise du XVIII° siècle, montrant également qu'il ne faut pas perdre d'occasion de commercer.
L'Irlande faisait alors partie du Royaume-Uni. Deux fermes ornées : Larchill , dans le comté de Kildare, et Kilfane dont nous avons parlé à propos des Leasowes.
Sanssouci Frédéric II de Prusse fit construire en 1754-1757 une maison de thé chinoise dans son parc de Sanssouci à Potsdam (voir les conditions de visite) . Ce pavillon chinois, dessiné par Johann Gottfried Büring, est sans doute l'un des plus luxueux et mieux conservés qu'il nous soit donné d'admirer aujourd'hui. On y voit aussi un Temple de l'Amitié, également par Büring, et une pagode chinoise, la Maison du Dragon, de 1770/1772. J'écris Sanssouci à l'allemande, nous aurions tendance à écrire Sans-Souci.
Dans les Nouveaux Jardins , aménagés pour Frédéric-Guillaume II, se trouve une pyramide-glacière de 1791-1792, par l'architecte Gotthard . Des remaniements ultérieurs étalés jusqu'au milieu du XIX° siècle affirmèrent le caractère de jardin anglais du parc. De cette époque date un monument funéraire à la reine Louise, de style néoclassique.
Potsdam est entouré d'un formidable enchaînement de parcs, ceinturant des lacs bordés d'une profusion de bâtiments s'apparentant aux fabriques et folies, parcourus de rivières, où les évolutions de style ajoutent à la surprise. Outre le parc de Sanssouci , le Ruinenberg , le Klausberg (Orangerie, Belvédère, maison du Dragon), Charlottenhoff . C'est l'ensemble d'un seul tenant le plus fourni, si ce n'est le plus vaste (qui semble être Lednice-Valtice).
Berlin : Bellevue a eu un vrai parc anglo-chinois de la fin du XVIII° mais les fabriques semblent détruites, il ne reste plus que le jardin. Voir ci-dessous les grands parcs de Berlin, un peu postérieurs, vers 1825.
Kassel : Frédéric II de Prusse fit construire de 1781 à 1785 un village chinois, le Mulang , composé de pavillons et de fermes, dans un parc déjà orné de cascades. Il comptait aussi un moulin. Son nom de Mulang, qui sonne pourtant agréablement chinois, n'est que la déformation phonétique du français moulin. Un grand nombre de maisons subsistent, dont le plus important pavillon chinois, malheureusement banalisées dans le quartier, qui a été loti.
Dans Kassel, le parc de Wilhelmshöhe (début 18°) comprend en outre une pléiade de pavillons philosophiques de la fin du 18° siècle : la grotte de la Sibylle, l'ermitage de Socrate, une pyramide inspirée de celle de Caïus Cestius (source commune des pyramides anglo-chinoises), un temple de Mercure, la pelouse de Virgile, la grotte de Pluton. Le temple d'Apollon est de 1816-1818. Il est de l'architecte Jussow ainsi qu'une partie des fabriques. Sauf le temple d'Apollon, les pavillons philosophiques mentionnés ne sont que des éléments mineurs de ce parc étourdissant, organisé autour de la perspective monumentale des cascades partant de la tour de l'Hercule jusqu'au lac inférieur.
Darmstad : un jardin anglo-chinois a été créé en 1772 pour le prince Émile par Carl Von Moser et le maître-jardinier Nikolaus Andreas Siebert. Il est orné de fabriques, dont une église gothique, des ruines romantiques et un pagodon chinois sur une île .
Eulbach : le château est entouré d'un parc de 3000 hectares, comprenant un jardin anglais aménagé entre 1802 et 1807 sous la direction de Friedrich Ludwig von Skell, chef des bâtiments de la cour de l'électeur Palatin à Mayence. Il est orné de ruines romantiques et de fabriques, en partie reconstruites : la tour de Römerkastellen, la ruine artificielle du château Eberhard, l'obélisque, une fausse chapelle gothique sur une île. Des ruines romaines authentiques (car le limes, frontière de l'empire romain, passait là) sont incorporées comme fabriques.
Le jardin de Dessau-Wörlitz le Prince Leopold III Friedrich Franz d'Anhalt-Dessau, s'appuyant sur des parcs et palais préexistants créa à partir de 1765 un royaume - jardin autour de la ville de Dessau, entre l'Elbe et la Mulde. Il est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO .
Le prince fit aménager Wörlitz par l'architecte Erdmannsdorff. Par le compartimentage de l'espace en entités successives et le dialogue systématique d'un pavillon avec l'entourage de végétation et d'eau,
ce jardin annonce les parcs à fabriques, dont il pourrait être considéré comme le prototype (l'aménagement, commencé en 1765, s'étala sur quarante ans; Erdmannsdorff mourut en 1800).
Sur les 120 hectares d'origine, Wörlitz est admirablement conservé, mais malheureusement enserré par une autoroute, des usines et le réseau routier.
Historique du jardin en français et
site de la ville .
Oranienbaum , construit à la fin du XVII° siècle, fut aménagé en jardin anglo-chinois entre 1793 et 1797 par le prince d'Anhalt-Dessau. C'est un des autres éléments du complexe de Dessau. On y trouve une pagode chinoise inspirée de William Chambers, trois maisons de thé et une orangerie de taille exceptionnelle (170 m de long). Comme Oranienbaum et Worlitz ne sont distants que de 5 km et font partie de la même commune, il arrive que l'on parle d'Oranienbaum-Worlitz. Mais les deux parcs sont distincts, tout en faisant partie du royaume-jardin.
Autres sites du "royaume-jardin" : Grosskühnau , le Georgium , le Luisium le Sieglitzer Berg .
Munich : dans la deuxième moitié du XVIII° siècle un jardin anglais de 375 hectares fut aménagé en centre ville pour servir de jardin public, le premier d'Europe. Il compte deux pavillons chinois de 1789 (dont la tour restaurée en 1951). Je n'ai guère d'autre information, sinon que l'un deux abrite un restaurant et qu'en 1972 un pavillon de thé japonais les a complétés, ce qui me laisse craindre qu'il ne faille guère espérer y ressentir le sublime.
Le Nymphenburg, du début du XVIII°, abrite des fabriques (temple, pagode, pavillon) de 1720/1725, qui ont été intégrées au jardin anglais de la fin XVIII°. C'est donc un hybride pré et post anglo-chinois, grandiose au demeurant.
Sanspareil : Whilelmine, sœur de Frédéric II, épousa le margrave de Bayreuth , qu'elle surclassait largement. Celui-ci avait fait bâtir non loin du château l'Eremitage , qui a ses propres jardins ; Whilelmine les fit évoluer; puis, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Bayreuth, elle fit aménager en 1744/1748 le parc philosophique de Sanspareil (Felsengarten). Il est pourvu de rochers, de grottes, de réduits ou labyrinthes et de ruines. Son style pourrait être le plus proche de celui du Désert d'Ermenonville. L'aérien pavillon chinois posé sur le rocher du Belvédère a disparu. Par ailleurs il y a un éblouissant salon japonais dans le palais.
Veitshöchheim n'est pas un jardin anglo-chinois. Mais le Rokokogarten , jardin régulier de style rocaille, qui se trouve devant le château, fut régulièrement complété par des sculptures. À partir de 1767 des fabriques de Ferdinand Tietz et Peter Wagner annoncent le style nouveau : une cascade, une grotte, un pavillon chinois et le pavillon indien, un extravagant baldaquin à colonnes simulant des tiges de plantes terminées par des ananas.
Schwetzingen " Versailles du Palatinat " : la plus grande partie du jardin est à la française, avec des alignements rigoureux. Au delà de la pièce d'eau et sur le côté droit, le paysagiste Ludwig von Skell aménagea un jardin anglo-chinois à partir de 1777, avec un pont chinois, plusieurs temples, des ruines, un pavillon de bains et un "jardin turc" orné d'une mosquée . Autre description . Ce palais fut un des lieux les plus en vue du temps, Voltaire y séjourna et Mozart s'y produisit.
Mergentheim : cette vieille forteresse des Chevaliers teutoniques fut agrémentée dès la Renaissance d'un jardin de plaisance, transformé au milieu du 18° siècle en jardin floral par le maître jardinier français François de Cuvilliés. En 1791 le grand maître Maximilien Franz d'Autriche décida une refonte complète du parc du château dans le style anglais . On cite plusieurs intervenants : Carl Caspar Reutter von Weyl de l'ordre, le jardinier en chef de la cour Franz Joseph Hüller, Ferdinand Lipper, Adam Stahl (pavillon chinois) et Franz Michael Dietz. Les deux pavillons d'été, respectivement de style turc et chinois, furent construits en 1802 et subsistent : le pavillon de la demi-lune Halbmondhäuschen (surmonté de la demi-lune turque), et le pavillon de la cloche Schellenhäuschen . Le lac et l'île de J.J Rousseau ont été réaménagés au début du 20 ° siècle.
Karlsruhe : le palais, résidence des margraves de Baden est entouré d'un parc que Frederick Schweickardt fut chargé en 1787 d'aménager en jardin anglais . trois pavillons chinois se trouvent dans cet ensemble. L'un, construit par Wilhelm Jeremias Müller (Guillaume Jérôme Meunier) aux environs 1780, se trouve dans le Fasanengarten (faisanderie). Deux autres ont été construits par Friedrich von Kesslau en 1784. Il s'agit de kiosques; le premier, sur un plan carré, est surmonté d'un magot, le second, octogonal, d'une ombrelle en tôle. Mes remerciements à Rolf Bühler et Jean-Pierre Volkmer des services fonciers de la ville pour les précisions qu'ils m'ont communiquées sur ces trois pavillons.
Hohenheim (quartier de Stuttgart) le duc Carl Eugen de Wurtemberg et son épouse firent aménager dans le parc du château, à partir de 1776, un "village anglais" comptant pas moins de 60 petites constructions au milieu de ce qui se voulait une ville romaine ruinée. Après la mort du duc en 1793, le village tomba en (vraies !) ruines. Les fabriques nous sont connues par une collection de gravures . Une partie fut transportée au Ludwigsburg et à Monrepos, autre résidence princière au nord de la ville ; il en est resté trois sur place, en maçonnerie massive, en particulier les colonnes en pierre tombées au sol du temple de Jupiter et l'aqueduc ruiné.
Pillnitz (sur les bords de l'Elbe aux environs de Dresde) : dans le parc du château , on trouve un jardin anglais créé à partir de 1778 à 1785, avec le pavillon anglais de 1780 du à l'architecte Johann Daniel Schade, et un jardin chinois créé de 1790 à 1804 par Christian Friedrich Schuricht, avec un pavillon chinois . L'ensemble est remarquablement remis en état, mais je n'ai pas encore de précisions sur ce qui est d'origine et ce qui a été reconstruit après le grand bombardement de 1945. Une barque de fête est exposée devant le palais; elle porte un petit pavillon de style chinois. Elle servait à convoyer depuis Dresde les invités à honorer. Sur une hauteur avoisinante ont été construites en 1785 de fausses ruines de château gothique, probablement par Schade.
Machern (non loin de Leipzig) : Carl Graf von Lindenau commença en 1782 d'aménager à l'anglaise le parc de son château . La plupart des fabriques (temple d'Hygieia, ponts, ruines du "Ritterburg", pyramide ) furent ajoutées après un voyage en Angleterre en 1792. L'ensemble est largement préservé mais un drainage a modifié l'emprise des étangs. Les constructions de rondins, salon d'été et chaumière, ont disparu.
Steinfurt : le Steinfurter Bagno , après agrandissement à 125 hectares et extension du lac, fut aménagé en jardin anglo-chinois à partir de 1780 pour le comte Ludwig Von Bentheim-Steinfurt. Georges Louis Lerouge l'a décrit dans son cahier mais seulement 39 des 105 fabriques ont été réalisées. À la mort du comte, son fils Alexis réduisit à le nombre de fabriques, par économie d'entretien et aussi parce que la mode avait changé. Il n'y en avait plus que 16 en 1828 et il n'en reste plus que trois, dont une ruine sur une colline dominant le lac.
La Prusse avait annexé la Silésie en 1742 et des parcs y furent aménagés. J'en ai décrit deux, Carlsruhe et Dyhernfurth dans la rubrique consacrée à la Pologne, où il se trouvent aujourd'hui.
Réalisations tardives
En France, l'esprit d'utopie des fabriques avait été balayé par la Révolution. Il demeurait en Allemagne; tant les grands aristocrates donneurs d'ordre que les paysagistes continuèrent de cultiver le genre. Ainsi le grand paysagiste allemand Peter Joseph Lenné (1789-1866) créa d'importantes parties de l'ensemble de Potsdam que je n'ai pas citées, ainsi qu'à Berlin le parc de Klein Glienicke et de l'île aux paons ornés de nombreuses fabriques (cette dernière incorpore de fausses ruines antérieures datant de 1796).
voir la page dédiée : Russie détachée en juin 2017
voir la page dédiée : République tchèque détachée en avril 2018
Le château de Betliar , de la famille Andrasy, prés de Rovzana, est entouré d'un jardin anglais de la fin du 18° siècle. On y trouve plusieurs fabriques dont une partie des années 1820 et d'autres, dont un pavillon chinois, beaucoup plus tardives, relèvent de l'exotisme du 19° siècle, comme on en trouve beaucoup en Angleterre. En effet la famille a occupé et fait évoluer le domaine jusqu'en 1945.
De nombreux jardins ont été créés autour de Vienne au XVIII° siècle.
Laxenburg : l'impératrice Marie-Thérèse et son petit fils firent aménager un parc anglais de 250 hectares autour du château, au bord de la Schwechat. Les principales fabriques sont la grotte au bord du lac (Felsgrotte), la tombe du chevalier, la maison de la Lune, le temple de la Concorde et le pavillon vert (Grunes Lusthaus) qui est un pavillon ouvert couvert de treillis.
Schönbrunn en 1788-1790 le parc reçut quelques éléments à la mode : des fausses ruines romaines (toujours présentes) et un obélisque de 1777, plus rococo qu'anglo-chinois.
Alt-Erlaa pour le duc de Georg Adam Starhemberg, autour de son palais d'Erlaa , au sud-ouest de Vienne, un peu au-delà de Schönbrunn; aujourd'hui englobé dans l'agglomération. Il semble qu'il n'en reste rien.
Schönborn (35 km au nord-ouest de Vienne) dans le jardin anglais transformé en golf, un pavillon chinois sur une île. Au fond du parc, une gloriette rococo abrite une statue de Jean Népomucène.
Neuwaldegg zu Dornbach : le parc Schwartzenberg fut un remarquable jardin anglo-chinois. Ce que l'on voit sur les gravures d'époque a disparu. Il n'est pas très clair si le temple abritant le mausolée du feldmarschall François Maurice de Lacy , aménageur du parc, a fait partie des fabriques ou s'il a été édifié postérieurement. On y trouve aussi deux obélisques. Voir une description complète (avec plan) dans " Description des principaux parcs et jardins de l'Europe " Vienne, 1812.
Pavillon chinois dit " Bagatelle" dans le parc du palais Esterházy à Fertőd .
Non loin, à Sopron , la maison de l'ombrelle (Esernyős-ház ) construite en 1800 et récemment restaurée .
À Tata : parc anglais de 240 hectares aménagé en 1783 pour le comte Ferenc Esterházy. Voir la page dédiée : Tata détachée en juin 2021.
Le comte Juraj Niczky (qui était franc-maçon ) créa vers 1790 un parc à fabriques à Paukovac près de Zelina. Autour d'une villa néoclassique, le jardin comprenait un étang et des fabriques : un ermitage, une ruine, une bergerie ornée et une animalerie, des pavillons peints et des statues de dieux de l'antiquité. Il semble qu'il n'en reste rien. Ce jardin semble avoir été très proche de l'esprit des parcs à fabriques de France.
Le château de Frederiksberg Slot ou "palais jaune" a été construit vers 1700 comme résidence d'été de Frédéric IV. C'est aujourd'hui l'Académie militaire. Le Frederiksberg Park qui l'entoure fut d'abord un jardin baroque. Peter Petersen fut chargé en 1799 de le transformer en jardin anglo-chinois. Il est décoré de fabriques : le temple d'Apis dessiné par le peintre Nicolai Abildgaard décora son intérieur ainsi que des parties de la maison d'été chinoise construite par l'architecte Andreas Kirkerup. Les deux peuvent être visitées à l'occasion d'expositions. On compte également un chalet suisse, une rocaille faisant cascade et un petit pavillon chinois sur un pont. Faisant suite, le Søndermarken (" domaine sud ") comptait un pavillon chinois qui a été détruit.
Dans l'île de Møn, au manoir de Liselund : Antoine de Bosc de la Calmette et son épouse Lisa aménagèrent un jardin anglais orné de fabriques. Le chalet suisse , la maison norvégienne et le pavillon chinois construit en 1800 sont toujours la. Mais une tempête emporta en 1905 la falaise de craie (qui est une curiosité naturelle remarquable de l'île de Møn) et d'autres fabriques furent englouties : la chapelle, les ruines, le pavillon de bains et un crucifix de craie.
Dans l'île de Tåsinge , le riche château de Valdemar abrite dans un parc maintes fois remanié un pavillon de thé de 1754. Ce genre du pavillon de thé hollandais ou nordique de l'époque Rococo n'est pas anglo-chinois, c'est seulement le signe du début de l'ouverture sur l'Extrême-Orient.
En 2017-2018 et 2021, j'ai complété l'identification des parcs de ces pays et les présente dans des pages dédiées : Pologne , Biélorussie-Alba , Ukraine , Belgique , Finlande : Fagervik
Il est à noter que les parcs d'Ukraine et Alba, parc disparu situé en Biélorussie, étaient en Pologne au moment de leur création et Fagervik se trouvait en Suède. Par ailleurs j'ai rattaché à la Russie le parc de Monrepos (page dédiée), qui appartint à la Finlande à certaines périodes.
Slot Zeist (province d'Utrecht) : une maison de thé se trouve dans le parc du château. Il semble probable qu'elle date de la fin XVIII° mais ce n'est pas certain. On en trouve bon nombre dans d'autres parcs et jardins publics, dont certaines sont de simple buvettes.
J'ai enfin découvert récemment des informations (uniquement en néerlandais) sur les parcs aménagés à cette époque aux Pays-Bas. L'exiguïté du territoire et la structure sociale des Provinces-Unies n'ont pas laissé place à d'amples réalisations comme en Angleterre ou en Allemagne. Mais on trouve un bon nombre de jardins anglais de quelques hectares aménagés autour de demeures bourgeoises; chacun compte en général deux ou trois fabriques assez modestes : une rocaille, un pavillon, un obélisque ... Pas de rival d'Arkadia ou de Wörlitz. Le plus remarquable était peut-être Biljoen , avec un jardin anglo-chinois . Mais il ne reste plus grand chose des fabriques : plaquette
Sonsbeek (Arnhem) : le baron Smeth commença l'aménagement du parc vers 1810. On y comptait une cascade, une grotte, le belvédère. Le baron Heeckeren le racheta en 1821 et poursuivit l'aménagement. Les gravures d'époque montrent que le parc était orné dans le style anglo-chinois. Le parc, d'une soixantaine d'hectares, est conservé, avec la cascade et le belvédère.
liste Wikipedia . Le parc du château de Remte compte plusieurs fabriques.
voir la page dédiée : Suisse détachée en avril 2018
Elle fut peu touchée par la mode du jardin anglo-chinois :
en Italie : le domaine des Bourbon-Sicile de Caserte ,
à 30 km au sud de Naples et son parc sont classés au patrimoine mondial de l'Unesco . Vers 1785, une partie fut aménagée en
jardin anglais
par le paysagiste anglais Graefer pour la princesse Marie-Caroline d'Autriche. Il comprend un lac et un labyrinthe, chacun avec un temple, et les bains de Vénus. Baigné de la lumière du midi et orné de plantes méditerranéennes, ce parc tranche sur les jardins du nord et semble d'un ensorcelant charme capiteux.
À Palerme, la villa chinoise de la Favorite (Palazzina Cinese) construite en 1798 pour Ferdinand III de Bourbon est indéniablement précieuse, mais ne correspond pas au genre anglo-chinois.
en Espagne : un kiosque chinois a été construit pour le prince de Bourbon dans le parc du château d'Aranjuez.
Quelques fabriques ornent le parc du Retiro en plein centre de Madrid, dont la création est bien antérieure. Au contraire le parc d' El Capricho , à la périphérie de la capitale, date de 1783. Il compte plusieurs fabriques (un temple de Bacchus, des colonnades, un ermitage, ..), mais il a été retravaillé par la suite.
Les parcs d'Europe les plus complets en terme d'extension et de fabriques visibles sont probablement Kew Gardens, Wörlitz, Pavlovsk et Tsarskoïe Selo. Aucun des sites français ne peut rivaliser avec eux en extension. Bien entendu, à l'époque, le Désert de Retz et Méréville leur étaient au moins égaux, et sans doute supérieurs en raffinement, ainsi qu' Ermenonville dans le genre parc philosophique.
Malheureusement, le sublime n'y est pas forcément facile à percevoir : avions et populace à Kew, autoroute à Wörlitz, reconstitution trop visible en Russie.
Alors, où retrouver la perfection de l'époque ? sans doute dans des parcs moins spécifiquement anglo-chinois, comme Stowe, Potsdam et Chantilly, en attendant la restauration en cours ou amorcée des trois français : Hameau de la Reine, Désert de Retz, Méréville.