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la pagode de Chanteloup l'exil de Choiseul vue de la pagode autres vues du domaine visite, liens seconde partie : le jardin anglo-chinois |
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Le duc de Choiseul, premier ministre de Louis XV (1), avait acheté ce domaine en 1761, peu après avoir été nommé gouverneur de Touraine. Dès 1765, il fit augmenter et mettre au goût du jour le château et agrandir les jardins. Tombé en disgrâce, il fut exilé de Paris en décembre 1770 et se fixa à Chanteloup, dont il paracheva la rénovation. Il y tint une brillante assemblée, passant pour rivale de Versailles, sinon par le nombre, du moins par la qualité des hôtes.
La terrasse fut ornée d'une pagode chinoise haute de 44 mètres, très élancée, due à l'architecte Louis-Denis Le Camus (2), qui s'inspira de la pagode chinoise de Kew Gardens dessinée par le grand William Chambers. Le Camus dessina également un petit jardin anglo-chinois, situé sous la pagode dans le carré nord-est, avec kiosque, rivière, petite pièce d'eau et glacière. Par ailleurs, le jardinier écossais Mac Master, de l'entourage de Thomas Blaikie, intervint également sur le domaine.
La pagode, construite entre 1775 et 1778, est en pierre, ce qui explique qu'elle soit arrivée juqu'à nous. Le choix d'une forme aussi élancée viendrait du pari du duc de Choiseul avec le duc d'Argenson d'édifier la construction la plus élevée, chacun dans son parc. Elle a été restaurée en 1908-1910 par René Edouard-André , qui en avait fait l'acquisition.
Choiseul mourut en 1785. Le domaine fut vendu, mais dés 1800 il était à l'abandon. Le chimiste Chaptal l'acheta en 1802 et y installa une sucrerie expérimentale . Il fut ruiné par les dettes de son fils et en 1823 dut vendre le domaine, qui périclita derechef. Le château fut dépecé vers 1825 par les "bandes noires" , réseau de brocanteurs et de marchands de matériaux sans scrupules en cheville avec des liquidateurs et marchands de biens véreux.
Au bord de la pièce d'eau en demi-lune, la pagode est le seul bâtiment restant du parc, en dehors de pavillons classiques mineurs, dont celui de la grille d'entrée qui sert de musée, et deux autres, fort délabrés, à la grille d'honneur.
Vues de la pagode
Quelques vues de restes du domaine
L'allée centrale joignait le château, en contrebas, et la pagode; elle était encaissée entre les jardins, et formée de boulingrins. Sur les accotements, quelques statues et vases majestueux en faisaient une des gloires visuelles du domaine, volontiers restitué sous cet angle à l'époque.
Le jardin anglo-chinois occupait le quart sud-est de l'espace en pente s'étendant sous la terrasse. La vue de droite montre son emplacement; la dépression plus claire avant l'arbre pourrait être une trace de la petite pièce d'eau centrale.
La partie d'époque est à gauche, à droite c'est un ajout utilitaire sans grâce. L'autre pavillon est encore là, d'ailleurs mieux entretenu car habité, mais accolé à une construction parasite plus importante, qui le masque. Je ne montre pas de vue d'ensemble, car elle est peu flatteuse et ne permet pas de saisir le volume des pavillons. La grille d'honneur était dans l'axe de l'allée centrale, avant d'arriver au château en venant du centre ville. Comme Amboise s'est étendue, cet emplacement se trouve aujourd'hui en limite d'agglomération. C'est le lieu-dit "La Sucrerie", ce qui laisse penser que c'est là que Chapatal avait installé son usine expérimentale.
Visite, liens
La pagode est à la sortie sud d'Amboise (Indre et Loire), route de Bléré - Ouverture de Pâques à mi-novembre
Informations pratiques et horaires : Site du domaine histoire :article Wikipedia
dans Google Earth : emplacement de la grille d'honneur, avec les reliquats des pavillons, emplacement du jardin anglo-chinois, le boulingrin
René Edouard-André : "le domaine de Chanteloup", réédité en 1999 par l'association des amis de Chanteloup, avec une introduction et des notes de Thierry André - ISBN 2-9514928-0-4
Chanteloup Un moment de grâce autour du duc de Choiseul
Notes1 Louis XV ne nomma pas de premier ministre en titre, mais Choiseul assura de fait cette fonction. Il cumulait les portefeuilles des Affaires étrangères, de la Guerre et de la Marine. 2 L'architecte de la pagode est bien Louis-Denis Le Camus , qui travailla en outre pour le prince de Condé, et non pas Nicolas Le Camus de Mézières , plus connu, architecte de la Halle aux blés et à qui l'on doit le petit pavillon chinois disparu de Créteil. De 1900 à 1950, les auteurs ont été victimes de cette confusion et attribuaient, à tort, la pagode à Nicolas Le Camus de Mézières.
Dans le cahier 7 de son ouvrage "Détails des jardins à la mode", Georges-Louis Le Rouge nous a laissé un plan du jardin anglo-chinois de Chanteloup. Le voici ci-dessous, colorisé tant qu'à faire, dans un recueil de l'édition originale.
Le terrain, en légère déclivité, est situé sous la digue fermant la pièce d'eau en demi-lune au bord de laquelle est érigée la pagode. Le jardin est principalement orné d'une "rivière anglaise" qui, partant d'une "source", alimentée par l'exutoire de la pièce d'eau, serpente, contourne un petit bassin circulaire, puis descend jusqu'au petit jeu d'eau à 4 colonnes baguées où elle tombe en formant la "chute de la Rivière". Cette chute ne devait guère être abondante car la pièce d'eau ne reçoit que le drainage du plateau où est plantée la forêt d'Amboise. On remarque que l'architecte ne s'est pas affranchi d'un classicisme encore en cours, que l'on retrouve de l'autre côté de la Loire au temple de l'Amour à Ménars. Sans doute était-il trop tôt, et pas dans les goûts du duc de Choiseul, pour sauter le pas et mettre là une rocaille du sommet de laquelle serait tombée l'eau. Dans son bref cours, la rivière enserre 6 minuscules ilots. D'ailleurs, si le bâtiment de la chute est représenté de face et en coupe, il n'est pas reporté à son emplacement, seulement signalé par la mention "la chute" à l'extrémité de la rivière.
On remarque également le nombre fort restreint de fabriques : un kiosque chinois, une glacière et deux toutes petites constructions, peut-être des maisonnettes paysannes "arrangées".
Enfin, on ne voit sur le plan que de maigres bouquets d'arbres; il est vrai qu'ils n'avaient pas eu le temps de pousser. En tout cas, on n'avait pas tenté la transplantation de sujets plus développés. La multiplication de petits chemins sinueux sert d'alibi pour justifier du caractère anglo-chinois de la composition.
Sans vue oblique, on ne peut que s'interroger sur la réussite de la juxtaposition de ce jardin avec la composition très géométrique du boulingrin, dans l'axe de la pagode.