Bagatelle, " Parva sed apta " historique plan du parc vues liens, contacts, bibliographie | |||
La création de la folie est certainement l'anecdote, véridique, la plus connue de l'histoire des parcs à fabriques.
Le comte d'Artois, frère cadet de Louis XVI, et donc beau-frère de Marie-Antoinette, avait acquis de son capitaine des chasses le pavillon en fort mauvais état existant à cet emplacement. Marie-Antoinette, amusée par le délabrement des lieux lors d'une visite sur place, un peu comme on pourrait l'être de quelqu'un entiché d'un meuble vermoulu rapporté d'une salle des ventes, dit à son beau-frère qu'elle comptait bien y être accueillie deux mois plus tard. Piqué, celui-ci releva le défi, il aurait même parié là dessus 100 000 livres avec la Reine.
Artois gagna son pari, au prix d'une marche forcée : le surlendemain, l'architecte Bélanger (1) remettait les plans de la folie, et neuf cents ouvriers arasaient les bâtiments en place et aplanissaient le terrain. Les convois de matériaux arrivant à Paris par l'ouest étaient réquisitionnés au profit du chantier (la Révolution a peut-être quelques justifications ...). Le 26 novembre 1777, la folie était achevée. Simultanément le jardinier écossais Thomas Blaikie, de réputation exceptionnelle, était appelé pour le jardin. A l'inverse de la folie, le jardin ne fut pas exécuté d'un seul jet. Blaikie n'appréciait guère les fabriques et réussit à imposer d'abord l'ébauche d'un jardin anglais dépouillé, proche de ses vues. Il dut se plier à l'évolution vers un parc à fabriques, finalisé vers 1784, après quelques variantes dans les allées et les fabriques. Mais, engagé comme "jardinier écossais", il se vit confier la conduite des pépinières de la zone sud du domaine, où il élevait des espèces récemment acclimatées, que se disputait la haute société.
Le pavillon préexistant avait été construit en 1720 par le maréchal d'Estrées. Son épouse puis la marquise de Monconseil, intrigantes galantes de cour, en firent un lieu de rendez vous où elles attirèrent les plus hauts aristocrates, dont le Régent et Louis XV. C'est à cette époque que le lieu prit son nom de Bagatelle. L'emplacement était idéal, à proximité des résidences royales de la Muette et du château de Madrid, prétextes de déplacements pour la chasse. Cette vocation de galanterie du bois continua sous l'Empire et au 19° siècle où "les mariages du Bois de Boulogne ne se faisaient pas devant M. le Curé". Elle perdurait encore il y a peu, avec le secours des brésilien(ne)s.
Reprenons la folie d'Artois où nous l'avons laissée, au début de la Révolution. Le comte d'Artois émigra (il devint Charles X en 1824); le bien fut donc confisqué mais fut destiné à la promenade publique au lieu d'être vendu. Napoléon Ier songea à en faire le palais du roi de Rome.
La deuxième page majeure de Bagatelle est le rachat en 1835 par lord Seymour, marquis de Hertford (2). En 1848, il en fit sa résidence parisienne. Voulant disposer d'un logis plus vaste que la folie telle qu'elle était, il la fit surélever d'un étage, ce qui a profondément transformé ses proportions. Il fit abattre le pavillon des pages pour dégager la vue, construire le pavillon en retour d'angle dit Trianon pour son fils adoptif (et peut-être naturel) Richard Wallace, agrandir et aménager le jardin, qui passa de 14 à 24 hectares. Ami intime de Napoléon III (l'empereur était anglophile et s'était réfugié en Angleterre pendant son exil), lord Seymour recevait à Bagatelle l'impératrice Eugénie, qui assistait aux leçons d'équitation du jeune prince impérial depuis le kiosque "de l'Impératrice". A la mort de Hertford, sir Richard Wallace resta au domaine, qu'il habitera lui aussi jusqu'à sa mort en 1890. Le domaine passa à son épouse, qui le légua à son secrétaire Murray Scott. Ce dernier envisagea au début du siècle de lotir le domaine. Pour éviter le démembrement, la mairie de Paris bloqua l'opération et se porta acquéreur du domaine en 1905. La période anglaise de Bagatelle avait duré 70 ans et a définitivement marqué les lieux.
Forestier, responsable des jardins de la ville de Paris, avait été l'instigateur du rachat de Bagatelle. Il y créa la roseraie et le concours international de variétés de roses, qui font aujourd'hui la célébrité des jardins. Il replanta également le reste du parc. On lui doit la pièce d'eau des nymphéas, qu'il aménagea par admiration pour Monet.
Le parc actuel est grandement empreint des modifications postérieures à la folie du comte d'Artois. Ce n'est pas que les éléments que celui ci avait fait construire soient absents: grosso modo, la moitié d'entre eux sont encore en place. Mais les adaptations du 19° siècle et le jardin de fleurs des années 1900 ont changé le caractère du parc. Bagatelle n'est plus la folie du 18° siècle; c'est l'esprit du parc de Seymour, Wallace et Forestier qui y règne désormais.
Fabriques du 18° siècle subsistant au moins en partie (numéros rouges): 1 - grand rocher et son lac2 - grotte des quatre vents (anciennement grotte des philosophes) 3 - bassin des oies de Magellan (anciennement grand bassin) et sa grotte 4 - pont (transformé - était surmonté d'un kiosque chinois) 5 - pont (transformé - ancien pont de Palladio) 6 - pièce d'eau des cygnes noirs avec l'île du tombeau et un rocher-grotte 7 - ruines "de l'abbaye de Longchamp" 8 - glacière (formait un belvédère dit Tour des paladins) Ainsi que :
10 - pelouse à Blaikie 11 - jardin français (anciennement le boulingrin) F - folie E - entrée du parc (fin 19°) |
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Fabriques et bâtiments disparus :
12 - pavillon chinois
Autres éléments postérieurs:
20 - pièce d'eau des nymphéas et sa grotte
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Pointillés noirs : limites de la folie d'Artois au 18° siècle |
Marques jaunes : éléments de la folie d'Artois disparus |
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Le bâtiment a été surélevé d'un étage pour lord Hetford. Il présentait initialement un toit à double pente.
Cette vue de Bagatelle est aujourd'hui la plus classique. C'est aussi sous cet angle qu'elle est la plus éloignée de son aspect d'origine.
Vues du parc et des reliquats des fabriques
Printemps 2000 : le kiosque de treillage métallique a été décapité par la tempête. |
Dés le printemps 2001, le kiosque avait retrouvé son élégant toit pointu. |
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Les ruines ont souffert des tempêtes. Le clocheton de la vue de droite est actuellement démonté, des contreforts soutiennent le mur.
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Parc de Bagatelle
entrée route de Sèvres à Neuilly au Bois de Boulogne
Paris (16ème) - métro pont de Neuilly puis 2 km.
téléphone: 01 40 67 97 00
Ouvert tous les jours de 8h30 à 18h30 de mars à septembre, de 9h00 à 17h00 le reste de l'année. Entrée 10 F. Visites guidées : se renseigner au 01 40 71 75 60.
Notes1 François-Joseph Bélanger (1744 - 1818) était architecte du comte d'Artois, charge officielle. C'est un des plus importants concepteurs de parcs à fabriques, et probablement même le plus remarquable. Outre Bagatelle, ses interventions majeures sont la folie Saint-James et Méréville, où il n'est intervenu que dans la première phase mais dont il a réglé la composition d'ensemble.
2 Richard Seymour-Conway, 4° marquis de Hertford (1800 - 1870). Nous disons lord Seymour, les anglais l'appellent plus justement Lord Hetford . Ayant quitté très jeune l'Angleterre pour Paris, sa mère s'étant séparée de son père et s'étant installée en France sous l'Empire, il avait certes gardé d'abord un pied dans son pays mais s'en est finalement éloigné. On le confond parfois avec son frère, qui résidait également à Paris, Henry Seymour-Conway (1805-1859) dit indûment "Milord l'Arsouille" .